
Les sénateurs s'opposent formellement aux députés ! Le Sénat s'est opposé massivement, ce mardi soir, à la suspension de la réforme des retraites dans le cadre du budget de la Sécurité sociale, marquant son désaccord avec la concession majeure du Premier ministre Sébastien Lecornu en direction des socialistes. Par 190 voix contre 108, la chambre haute, dominée par la droite, a refusé ce décalage à janvier 2028 de la réforme «Borne» portant l'âge légal de départ à 64 ans. La mesure pourra être rétablie par l'Assemblée nationale par la suite, mais l'opposition du Sénat risque d'acter l'absence de compromis possible entre les deux chambres du Parlement sur le projet de loi de finances de la Sécu.
La chambre haute a notamment rétabli une autre mesure très irritante : le gel en 2026 des prestations sociales et des pensions de retraite. Les sénateurs ont néanmoins préservé les pensions inférieures à 1 400 euros par mois qui resteront indexées sur l'inflation. Ces désaccords profonds entre Assemblée et Sénat risquent d'aboutir à un échec de la commission mixte paritaire (CMP) prévue mercredi soir sur le budget de la Sécu, après le vote du Sénat programmé dans l'après-midi. «Il y a zéro chance qu'il y ait un accord», a encore balayé mardi un cadre de la coalition gouvernementale.
Une nouvelle lecture prévue à l'Assemblée
Conséquence : l'Assemblée nationale devra statuer sur le projet de budget de la Sécurité sociale en nouvelle lecture la semaine prochaine. Mais un compromis est-il possible ? «Nous allons y arriver», ont pourtant rétorqué tour à tour le chef du gouvernement Sébastien Lecornu lundi et le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, utilisant la même formule. Le président Emmanuel Macron a lui aussi dit mardi, sur RTL, avoir «bon espoir» que les parlementaires, «dont c'est la responsabilité», parviennent à un accord. Et ce, malgré le rejet du projet de budget de l'Etat 2026 en première lecture vendredi par la quasi-unanimité des députés.
Le Premier ministre propose une nouvelle méthode : l'organisation de débats suivis de votes au Parlement sur plusieurs «priorités absolues» à commencer par la défense le 10 décembre, puis le narcotrafic. «Nous avons besoin de faire avancer le pays», a de son côté plaidé sur Franceinfo Olivier Faure, refusant un «échec collectif» et regrettant que La France insoumise et le Rassemblement national cherchent à «faire dérailler le train». Deux formations dont Sébastien Lecornu a également dénoncé le «cynisme» et la volonté de «blocage».
Une stratégie remise en cause dans le propre camp du Premier ministre
«La suspension de la réforme des retraites, c'est le tribut payé par le Gouvernement à la gauche pour durer», a lancé mardi soir Bruno Retailleau au Sénat. Le chef des sénateurs PS Patrick Kanner a dénoncé en retour le «matraquage méthodique, inique, cynique» par la droite «des quelques avancées qui avaient été obtenues à l'Assemblée nationale». Mais avec sa proposition de débats à l'Assemblée, Sébastien Lecornu peut-il faire bouger les lignes ? «Lecornu veut forcer les LR à voter pour le budget avec le socle commun, en les faisant voter d'abord sur la défense», analyse un membre du groupe PS.
Après le renoncement au 49.3, le locataire de Matignon n'en est pas à son premier «changement de méthode». Mais sa manière de procéder interroge jusqu'à ses propres soutiens. Le président de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale, Frédéric Valletoux (groupe Horizons), a fustigé dans le journal L'Opinion un gouvernement qui «se contente de faire les additions des mesures votées, comme s'il allait rejeter par avance la faute de l'échec des discussions sur le Parlement». Or il «ne peut pas se défausser et se placer uniquement en spectateur» de propositions «qui viennent de lui».


















