
Une proposition de loi émanant d’un collectif de députés socialistes, emmenés par Iñaki Echaniz, élu basque, vient d’être déposée à l’Assemblée nationale et approuvée par sa commission des affaires économiques, visant « à retrouver la confiance dans les rapports locatifs »… Derrière ce titre ambitieux, qui laisse imaginer une refonte de la loi de 1989 ou - qui sait ?, des mesures civiles en faveur des bailleurs, complétant le statut fiscal que le Sénat vient de lui donner -, il ne s’agit que de rendre définitif et d’étendre à toutes les zones tendues si les élus locaux le décident l’encadrement des loyers d’habitation dans notre pays. Au passage, les auteurs étendent au coliving le dispositif, ou encore rendent obligatoire la mention de l’éventuel complément de loyer et alourdissent les amendes pour non-respect de l’encadrement, qui seraient d’ailleurs perçues à l’avenir par les communes. L’encadrement pourrait aussi s'appliquer à tout ou partie d’une commune. On note également la contrainte faite au propriétaire de motiver désormais le congé de façon systématique.
Ce texte, qui n’a fait l’objet que de très peu d’amendements de la part du bloc central lors de son examen en commission pose essentiellement plusieurs problèmes. On est ainsi d’abord tentés de trouver pragmatique de renvoyer aux communes le choix d’encadrer les loyers de leur territoire, éventuellement même avec une maille plus fine, à l’échelon d’un quartier, voire en cas de décision de l’établissement public de coopération intercommunale à un échelon plus large que la seule ville centre. La proposition de loi, en permettant que de telles délibérations puissent concerner toutes les communes où les loyers sont sous tension, négligent que la politique pourrait l’emporter sur l’appréciation sereine de la situation du marché locatif. Certes, c’est plutôt dans des villes importantes que le maire et sa majorité voudraient faire prévaloir l’idéologie, mais on voit déjà quelles villes basculeraient dans cette logique, des villes en particulier dont l’édile n’est pas sans destin politique national. Marseille ou Bordeaux sont de bons exemples, Rennes peut-être ou Nantes.
Quels critères fixer pour encadrer les loyers ?
Sans conteste, mesurer le dysfonctionnement d’un marché ne se fera jamais mieux qu’au plus près. Il faudrait au moins que chaque commune tendue dispose d’un observatoire fiable, objectif, impliquant les professionnels locaux de la gestion, les propriétaires et les associations de locataires, avec la caution de l’ADIL. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, loin s’en faut, et ce travail de maillage statistique est considérable. Une autre façon de réduire le risque de politisation consiste à fixer des critères pour installer un encadrement des loyers, et c’est justement le cas à ce jour, avec quatre conditions claires et le contrôle par le gouvernement de leur respect (déséquilibre lourd entre offre locative et demande, grand écart de loyer moyen entre le parc privé et le parc social, loyer médian élevé, taux de logements neufs commencés faible et perspectives de production limitées dans le plan local de l’habitat). En outre, un décret en Conseil d’État est nécessaire. Si l’on pourrait faire l’économie du décret, un crible d’analyse demeure indispensable et un contrôle a posteriori doit pouvoir s’exercer.
Par ailleurs, comment comprendre que les bailleurs vertueux quant à l’augmentation des performances énergétiques de leur logement, qui y engagent des travaux, ne bénéficient d’aucune reconnaissance en termes d’assouplissement de l’encadrement ? Une sorte de bonus énergie pourrait être créé, et il catalyserait les envies d’amélioration environnementale des biens locatifs, à n’en pas douter.
Le risque d'exaspérer investisseurs et citoyens
Enfin, il y a le choix du moment : alors que le statut fiscal de l’investisseur façonné par le Sénat, encore sujet à bien des hypothèques politiques, a été voté a minima, assorti de diverses contraintes pour le bailleur, est-il opportun d’encadrer tant et plus ? On est fondé à équiper de freins puissants un véhicule puissant. Or, si le véhicule fiscal en cours de création n’est pas sans souffle, on s’accordera à reconnaître qu’il ne s’agit pas d’un bolide. Le risque que les investisseurs jugent indécente cette stratégie politique est réel.
À ce compte-là, elle viendra mettre à bas les efforts pour relancer l’investissement locatif privé. Un peu de prise de hauteur de la part de nos décideurs publics ne ferait pas de mal. À vouloir s’attaquer simultanément à tous les problèmes, sans considération d’ensemble ni préoccupation de faire aboutir les priorités, on exaspère la population.
L’agitation n’est pas l’action.
De grâce, que l’exécutif et le parlement soient obsédés par le redressement de la France, auquel le logement peut contribuer, plutôt de mettre en œuvre une politique impressionniste… qui n’impressionne plus personne.



















