Les associations de propriétaires citent régulièrement l’encadrement des loyers comme un repoussoir à l’investissement locatif. Depuis 2019, dans les zones dites tendues, où la demande de logements est très supérieure à l’offre, les collectivités locales volontaires peuvent expérimenter ce dispositif, jusqu’au 25 novembre 2026. Aujourd’hui appliqué dans près de 70 communes, l’encadrement des loyers «est respecté de manière très inégale par les bailleurs selon les territoires», tance la Fondation pour le logement (ex-Fondation abbé Pierre), dans son cinquième baromètre, publié ce jeudi 4 septembre.

Pour l’ensemble des villes analysées, près d’un tiers (32%) des annonces de location dépassent les plafonds de loyers, soit une hausse de 4 points par rapport à 2024. Une moyenne qui masque en effet d’importantes disparités locales. «Les résultats s’améliorent encore dans les grandes villes entrées récemment dans le dispositif», salue le rapport, citant Montpellier, avec seulement 12% de loyers au-dessus des plafonds légaux, Lyon-Villeurbanne (24%) et Bordeaux (25%).

Achat immobilier : Bercy va préciser les règles d’exonération des donations d’ici le 7 septembre

Tendances inquiétantes en banlieue parisienne

La Fondation pour le logement pointe en revanche du doigt un résultat «moyen et assez stable», sans dégradation mais sans amélioration non plus, dans les deux villes précurseures de l’encadrement des loyers, Paris et Lille, où 31% des annonces proposent des loyers trop élevés. Des annonces qui, à Paris, proposent des loyers supérieurs de 237 euros par mois, en moyenne, aux plafonds autorisés, contre un dépassement moyen de 192 euros à l’échelle du pays.

En banlieue parisienne, les tendances sont carrément «inquiétantes», tance la Fondation, citant les établissements publics territoriaux d’Est-Ensemble, où 38% des annonces sont hors des clous, et, plus encore, de Plaine-Commune, avec 59% de loyers en infraction avec l’encadrement, du jamais vu. Le rapport déplore «une chute marquée du respect de l’encadrement des loyers depuis un an, et des niveaux de dépassement des loyers-plafonds inédits depuis le lancement du baromètre», il y a cinq ans.

Logement social : des loyers 2 à 3 fois inférieurs à ceux du privé

5 000 euros d’amende au maximum

C’est dans les communes de Saint-Ouen et de Saint-Denis que se concentrent les annonces illégales, précise la Fondation pour le logement. «Plaine-Commune paie ici une communication tardive auprès du grand public sur le dispositif, si bien que les locataires connaissent très peu les procédures civiles et administratives pour faire respecter leurs droits», avance la Fondation.

Elle invoque également des «services de l’Etat pour le moins passifs en cas de signalements (de loyers illégaux), avec par exemple un délai de huit mois avant de prononcer une amende contre des bailleurs en tort». Une amende d’un montant maximum de 5 000 euros pour un bailleur personne physique et de 15 000 euros pour une personne morale, indique l’Agence nationale pour l’information sur le logement.

Achat immobilier : ces 9 grandes villes où les prix continuent de dévisser

La «palme du culot» pour les bailleurs des pires passoires thermiques

Le baromètre égratigne d’un «peut mieux faire» les nouveaux entrants dans le dispositif, comme Grenoble et ses 45% d’annonces aux loyers excessifs, ainsi que le Pays Basque (38%). La Fondation constate toutefois «un grand écart entre la commune centre de Bayonne, avec 24% d’annonces au-dessus des plafonds de loyer, très mobilisée depuis des années pour la modération des loyers, et une ville plus huppée comme Biarritz (53%)».

Indépendamment des communes, «la palme d’or du culot», en matière de non-respect de l’encadrement des loyers, revient aux «propriétaires des pires passoires énergétiques», fulmine la Fondation. Près de 40% des logements avec une étiquette G sur le DPE (diagnostic de performance énergétique), au passage interdits de mise en location depuis le 1er janvier 2025, proposent des loyers non conformes à l’encadrement, contre 27% pour les F, 32% pour les E, 33% pour les D, 30% pour les C, 36% pour les B et 33% pour les A.

Crédit immobilier : attendre pour emprunter pourrait vous coûter cher

Deux évaluations de l’encadrement des loyers sont en cours

La Fondation pour le logement juge donc que «l’heure est au renforcement du contrôle du respect de cette loi et à sa pérennisation» après novembre 2026, en l’ouvrant à de nouvelles villes volontaires, comme Rennes, Marseille ou Tours. «Une loi doit absolument être votée dans ce sens», insiste-t-elle.

Deux évaluations de cette expérimentation sont justement en cours, l’une par des députés, l’autre par des économistes missionnés par Matignon. D’ores et déjà, une première évaluation scientifique, effectuée par l’Atelier parisien d’urbanisme cette année, estime que les locataires de la capitale ont économisé en moyenne près de 1 694 euros en 2024, soit 141 euros par mois, grâce à l’encadrement des loyers, rappelle la Fondation.