L’annonce était quelque peu inattendue. Au cours d’un entretien accordé au Parisien mardi 7 octobre, l’ancienne Première ministre et ministre démissionnaire de l’Education nationale a ouvert une porte dans le camp présidentiel en se positionnant en faveur d’une suspension de sa propre réforme des retraites. «Dans le contexte actuel, pour avancer, il faut savoir écouter et bouger», a-t-elle déclaré, jugeant que des «pistes d’amélioration portées par les organisations syndicales, notamment sur la pénibilité et la situation des femmes» pouvaient être menées. D’autant plus étonnant quand on sait qu’elle a usé de l’article 49.3 pour faire passer sa réforme et que le 26 septembre, lorsqu’il dévoilait sa feuille de route fiscale, Sébastien Lecornu écartait tout retour en arrière, «ça ne réglerait aucun problème», disait-il.

Très rapidement, l’opposition s’est saisie du sujet alors que le pays traverse une crise de gouvernance sans précédent. Invité du 20 heures de TF1, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a décrit «un réveil tardif» mais un «réveil positif». Son collègue et député PS de l’Eure, Philippe Brun, n’a pas hésité à employer une touche d’ironie : «Si même Élisabeth Borne est favorable à la suspension de sa propre réforme, il faut l’entendre !» Toujours à gauche, Raphaël Glucksmann, a lui aussi salué la décision de l’ancienne Première ministre.

La droite critique ce revirement

Invité à Matignon quelques heures plus tôt, rappelle Le Parisien, le coprésident de Place publique souligne qu’il existe «un chemin peut-être pour obtenir cette suspension» et se satisfait que cela soit possible alors que «c’était impossible il y a quelques jours encore». Cette annonce avait déjà été évoquée avec Sébastien Lecornu quelques minutes plus tôt, a-t-il précisé. De son côté, la CGT a été plus véhémente, elle qui n’avait pas obtenu gain de cause le 24 septembre dernier lors d’une entrevue avec Sébastien Lecornu.

Interrogée par l’AFP, la secrétaire générale du syndicat estime que la «volte-face (d’Élisabeth Borne) est un aveu» et que «la réforme des retraites est un échec». Sophie Binet considère que «le chef de l’État ne peut plus se permettre de faire la sourde oreille». Mais d’autres partis sont beaucoup plus critiques encore. La sénatrice parisienne LR, Agnès Evren, rappelle qu’une telle mesure va demander désormais de «trouver 10 milliards d’euros». «La gauche n’est pas encore arrivée au pouvoir qu’elle nous présente déjà la note !», cingle-t-elle.

Un «signal positif» pour la CFDT

Les Insoumis se sont aussi offusqués du revirement d’Elisabeth Borne, le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel, évoquant «enfumage et intox». La CFDT aura finalement été peut-être la plus mesurée, sa secrétaire générale, Marylise Léon saluant «un signal positif». Selon elle, il s’agit d’un «point (qui) peut être dépassé et (peut) permettre en bonne partie l’adoption d’un budget».

Selon les informations du Parisien, Matignon travaillait déjà depuis quelques semaines sur la mesure, raison pour laquelle Sébastien Lecornu aurait commandé une étude d’impact sur une suspension de la réforme des retraites. De son côté, la Cour des comptes avait déjà évoqué un possible «coût complet de 13 milliards d’euros sur les finances publiques pour l’exercice 2035».