Le chemin vers l’inclusivité en entreprise progresse, mais la route est encore longue. Ce mercredi 27 mars, L’Autre Cercle, association engagée pour l’inclusion et la gestion de la diversité LGBT+ au travail, a publié un nouveau guide : AGIR pour l’inclusion des transidentités et non-binarités au travail. Ce document actualise et complète un premier guide publié il y a six ans, destiné aux acteurs de l’emploi souhaitant favoriser un environnement professionnel plus inclusif.

Les chiffres sont éloquents : une personne transgenre ou non-binaire sur huit a déjà quitté un emploi en raison de discriminations vécues ou perçues. Le Baromètre LGBT+ 2024, également publié par l’association, révèle qu' un salarié LGBT+ sur quatre déclarent avoir subi au moins un comportement discriminant de la part de leur direction. Ce chiffre grimpe à 42% pour les personnes transgenres et non-binaires.

Des stéréotypes sur la transidentité encore trop présents

Au cœur des difficultés : les stéréotypes persistants. Le guide dénonce des idées reçues encore trop répandues, comme «les personnes transgenres regretteraient leur transition» ou «les personnes non-binaires auraient forcément un physique androgyne». D'autres clichés suggèrent qu’elles seraient «particulièrement susceptibles ou intolérantes».

Face à ces obstacles, le parcours d’Inès Duckit illustre les dilemmes auxquels sont confrontées de nombreuses personnes transgenres en entreprise. Aujourd’hui directrice de la communication du groupe Legrand, elle revient sur sa transition, entamée il y a dix ans, à l’âge de 30 ans. «Je n’étais pas prête psychologiquement d’affronter le regard de mes collègues et collaborateurs. Je n’avais pas envie de me justifier. Je craignais qu’on ne me voie plus que sous le prisme du genre et plus pour mes compétences», raconte-t-elle.

De l'importance de l'engagement en entreprise.

Le manque d’engagement de certaines entreprises peut mener à un réel sentiment d’exclusion. D’après le nouveau guide de l’Autre Cercle, près d’un tiers des personnes sondées* ont souffert d’anxiété, fait une dépression ou un burn-out et 39% ont ressenti un sentiment de solitude et de non-accompagnement à cause de discriminations et/ou de violences vécues ou perçues au travail.

Pour préserver sa santé mentale et sa liberté, Inès choisit alors de démissionner de son poste et de fonder sa propre entreprise. Une décision guidée à la fois par la volonté d’indépendance et par le besoin d’éviter les complications administratives liées au changement d’identité, encore fréquentes pour les personnes transgenres dans le monde du travail. «Je ne voulais pas rendre de compte à un employeur car j’allais devoir m’absenter pour mon parcours de transition médicale», explique-t-elle.

Les sociétés doivent mettre en place un cadre serein et encadré pour éviter toute discrimination. Si elles ne le font pas, il y a un vrai risque de fuite des talents.

Trois ans plus tôt, lorsqu’elle postule pour le poste qu’elle occupe aujourd’hui chez Legrand, Inès décide de ne pas faire de son identité un sujet central de discussion. «C’est aussi possible d'être une femme ou un homme transgenre, d’être “out” et d’être embauché», affirme-t-elle. Son recrutement témoigne de l’évolution, lente mais réelle, de certaines entreprises prêtes à adopter une approche plus inclusive. Distinguée en 2023 par L’Autre Cercle comme rôle modèle leader LGBT, elle insiste sur l’importance pour les employeurs d’anticiper et de structurer leur politique d’inclusion : «Les sociétés doivent mettre en place un cadre serein et encadré pour éviter toute discrimination. Si elles ne le font pas, il y a un vrai risque de fuite des talents.»

Inclusion en entreprises : comment éviter les discriminations de genre ?

Pour que les initiatives inclusives ne restent pas lettre morte, encore faut-il qu’elles soient accompagnées de moyens concrets. Le guide AGIR propose plusieurs leviers : adhésion à des chartes, nomination de référents, formation des équipes, communication interne engagée, et surtout, rappel clair que la discrimination n’est pas une opinion mais un délit.

Mais au-delà des dispositifs, Inès Duckit rappelle que l’essentiel repose sur une certaine conception de l’humain. «Parfois, la catégorisation nécessaire à l’inclusivité peut aussi la freiner sur certains aspects. Certaines personnes peuvent avoir peur d'être maladroites en venant nous parler, et ça crée un peu d’exclusion entre les rapports humains», observe-t-elle. Et de conclure sur ce qui, pour elle, doit rester le fondement de toute politique d’inclusion : «Il ne faut pas oublier les valeurs humanistes».

*Entre septembre 2023 et février 2024, L’Autre Cercle a réalisé une enquête par le biais d’un sondage en ligne anonyme auprès de personnes trans et non-binaires ayant eu au moins une expérience professionnelle en France. Un total de 519 réponses a été collecté, dont 500 ont été jugées recevables.