Au même moment, le plus ancien syndicat immobilier de France, la Chambre FNAIM des Alpes-Maritimes, célébrait à Cannes son centenaire, avec des débats sur la politique du logement précédant un dîner de gala avec de nombreuses personnalités locales du monde économique, dont la sénatrice Dominique Estrosi-Sassone et le député Eric Ciotti, au moment même où l’Assemblée nationale votait l’amortissement des investissements locatifs privés neufs et anciens acquis entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2028.

Tout un symbole : il a fallu des années pour que la filière fasse entendre que le bailleur - terme un peu abscons pour le grand public - était un entrepreneur à part entière et qu’il méritait la possibilité d’accéder à l’amortissement comptable de son actif d’exploitation. L’intérêt fiscal de ce dispositif est ce qu’il est : d’aucuns en voulaient plus et au demeurant le parcours législatif n’est pas terminé, le Sénat s’apprêtant à améliorer le dispositif. Son avènement constitue néanmoins une victoire sur l’idéologie anti-immobilière, que le président de la République a personnellement incarnée. Son appréciation que l’investissement immobilier relevait de la rente a laissé des traces profondes dans l’esprit des ménages et des professionnels.

Ce qui vient de se passer au Parlement le réhabilite. C’est dans doute là qu’est la véritable victoire. Pour le reste, on mesure que les critères, multiples, et les conditions pour pouvoir bénéficier de cet amortissement vont lui enlever du souffle et qu’une proportion de candidats à l’investissement en seront dissuadés. Quelles variables la Chambre haute peut-elle revoir pour les améliorer ?

Le Sénat devrait relever à 10 000 euros au moins la limite déductible des revenus

Les taux d’amortissement ? Ils ressortent entre 3,5% et 5,5% dans le neuf selon le niveau du loyer, de très social à intermédiaire, et de 3% à 4% dans l'existant. Bercy, sous pression des députés, a pour ainsi dire doublé le taux prévu dans son propre amendement, et élargi à l’existant. Le coût prévu pourrait-il être encore majoré par le Sénat ? Il est clair que le taux, selon son niveau, garantit ou pas le succès de la mesure. C’est le premier élément qui sera vu de l’investisseur. Il verra aussi les limites : les deux logements maximum ne sont pas un problème et la plupart réalisent un achat. En revanche, la limite de 8 000 euros déductible des revenus par an revient non seulement à limiter la puissance fiscale du dispositif, mais aussi à optimiser le choix du logement pour saturer le plafond sans le dépasser : les logements de taille moyenne, essentiellement neufs, risquent fort de laisser place à des acquisitions de plus petits modules, en tout cas dans les marchés tendus et chers. Le Sénat devrait relever à 10 000 euros au moins cette bride.

L’obligation de louer le bien pendant au moins 12 ans n’est pas gênante et on ne peut que comprendre l’intention de stabiliser le parc locatif et de détourner du locatif les mercenaires qui viennent atténuer leur impôt sans attachement à la mission de loger les ménages de façon durable. L’interdiction de louer à des membres de la famille va faire perdre des centaines d’investissements : le réflexe de procéder à un investissement avec une intention patrimoniale se double traditionnellement chez les Français de l’envie de rendre un service à un enfant ou à un parent, dans des conditions de droit commun et non gracieusement - précision majeure. L’argument selon lequel cette facilité flèche la mesure vers les plus favorisés ne tient pas : si ceux-là en ont les moyens, qu’importe ? Leurs proches n’iront pas grossir les files d’attente des demandeurs de logements locatifs et ce sera déjà ça de gagné pour décongestionner le marché !

«Il faut d’urgence que l’amortissement concerne aussi l’investissement locatif en individuel»

Et puis, une nouvelle fois, la maison individuelle fait les frais de l’idéologie hostile à cet habitat, au motif qu’il menace la frugalité foncière. C’est ignorer que les maisons se construisent aujourd’hui sur des terrains de 300 à 400 m2, que les maisons à étage et mitoyennes se multiplient, pour loger plusieurs ménages… et c’est oublier que la demande locative en maison est très forte dans nos territoires et insatisfaite. Il faut d’urgence que l’amortissement concerne aussi l’investissement locatif en individuel.

L’obligation ensuite de 20% de travaux pour les logements anciens est-elle rédhibitoire ? C’est au fond l’intérêt de l’investisseur d’acheter moins cher des biens à rénover, en particulier avec l’objectif de redresser leurs performances environnementales, pour réduire sa facture fiscale. Qui plus est, il est probable que soit confirmée la prorogation pour deux ans du doublement de l’enveloppe de 21 700 euros d’imputation du déficit généré par des travaux d’amélioration écologique sur le revenu global, mesure voulue par le ministre de la Ville et du Logement lui-même.

Enfin, la question de la réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value est juste normale en toute orthodoxie comptable. Comment soutenir l’inverse ? Au demeurant, si un investisseur va jusqu’au bout de l’amortissement, c’est-à-dire jusqu’à 80% de la valeur du bien (les 20% résiduels sont supposés constituer la valeur du terrain), il aura fortement atténué son imposition et pourra accepter une taxation. En outre, si le dispositif de réduction de l’imposition de la plus-value pour durée de détention, qui a été amélioré lors de ce débat parlementaire avec une raccourcissement de 30 ans à 22 ans, est maintenu et compatible, la taxation sera nulle en cas de conservation durable de l’investissement locatif.

Une dernière variable va compter pour les plus fortunés des investisseurs : l’assiette du nouvel impôt sur la fortune improductive va-t-elle être rétablie par le Sénat dans sa version originelle, voulue par le député Jean-Paul Mattéi, à savoir exclusive des logements locatifs ? Si tel est le cas, le Parlement aura mené à bien jusqu’à son terme l’opération de réhabilitation morale et politique de l’investissement immobilier résidentiel. Pour tout dire, c’est une authentique révolution au sens premier du terme qui aura eu lieu : Pierre-André Périssol, ministre du Logement en 1995, avait imposé un amortissement des logements locatifs neufs. En le sacrifiant pour un retour à une réduction d’impôt peu après, au nom de la simplification, la filière n’avait pas mesuré qu’elle mettait à bas une conception économique vertueuse… qu’il lui faudrait 30 ans et bien des efforts pour ressusciter, avec le concours de quelques femmes et hommes publics lucides et courageux. Il convient de les saluer.

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