
Au moins 1 521 amendements ont été déclarés recevables par la commission des Finances, qui s’est ouverte lundi 20 octobre. Parmi le millier de modifications du budget 2026 déposées par les oppositions, plusieurs visent à repenser le pacte Dutreil.
Ce n’est pas une surprise. Si en 2024, le coût de ce dispositif avait été évalué à 800 millions d’euros, la Cour des comptes a fini par effectuer ses propres calculs pour estimer précisément le montant du pacte Dutreil, les données ayant jusqu’alors fait défaut pour obtenir un résultat fiable. Le résultat est bien plus élevé : l’institution table sur 4 milliards d’euros pour 2026. Cela ferait du mécanisme la quatrième niche fiscale la plus coûteuse pour l’Etat. Les chiffres ont été repris par Bercy dans le projet de budget 2026, en attendant la publication du rapport sur lequel travaille la Cour des comptes.
Les députés pointent du doigt certains biais au sein du pacte Dutreil
Même au sein du gouvernement, des voix se sont élevées pour réévaluer le dispositif. «Sur le Dutreil, on aura le débat», a notamment certifié Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics. Ainsi, plusieurs amendements déposés et adoptés visent le dispositif créé en 2003 afin de réduire le coût fiscal de la transmission d’une entreprise familiale.
Le pacte Dutreil permet une exonération de 75% de la valeur des parts ou actions transmises suite à un décès ou une donation d’une entreprise familiale exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Cela est possible à condition que l’un des héritiers, donataires ou légataires s’engage à conserver la société et à y exercer une fonction de direction pendant la phase d’engagement collectif et durant trois ans à compter de la transmission. L’objectif est d’éviter que les héritiers se retrouvent à devoir vendre l’entreprise familiale pour des raisons fiscales.
Mais plusieurs biais sont régulièrement pointés du doigt. En juillet 2025, un rapport du Sénat sur l’utilisation des aides publiques par les grandes entreprises jugeait «défaillant» le suivi et l’évaluation des dépenses fiscales sous la forme de réductions d'impôts, comme le pacte Dutreil.
Plusieurs pistes pour un nouveau pacte Dutreil
La demande la plus fréquente parmi les amendements déposés par les oppositions est celle qui consiste à revoir l’assiette des actifs exonérés. Plusieurs députés du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) invitent à supprimer «la possibilité d’intégrer des biens personnels dans le champ de l’exonération de droits de mutation». En effet, actuellement, les titres d’une société holding peuvent être exonérés de droits si cette dernière est considérée comme «animatrice», c’est-à-dire qu’elle exerce «de manière prépondérante une activité éligible au pacte Dutreil».
Un autre amendement, déposé par des députés du groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), va dans le même sens et appelle à ce que l’assiette de l’exonération soit restreinte à la «seule fraction de la valeur des parts ou actions transmises correspondant à la détention de biens professionnels (…) afin d’éviter que des biens personnels ne bénéficient de l’exonération en étant inscrits à l’actif de l’entreprise». Les signataires de l’amendement rappellent que, dans un rapport de la Cour des comptes datant de juin 2024, l’institution souligne que le pacte Dutreil a pour effet «de réduire considérablement le taux effectif d'imposition des personnes détenant les plus gros patrimoines, les biens professionnels étant très fortement concentrés dans les derniers millièmes de la population en termes de revenus».
D’autres pistes sont envisagées : revoir le taux de l’exonération, qui est actuellement de 75%, repenser la durée de l’engagement des héritiers à ne pas vendre - que le groupe LIOT veut faire passer de quatre à six ans - ou encore plafonner l’exonération. Des députés du groupe Les Démocrates proposent, quant à eux, d’encadrer l’âge des donataires : au moins l’un d’entre eux devrait alors être âgé de 18 à 60 ans. Tous ces amendements doivent encore être examinés à partir de lundi 27 octobre, date de début des discussions à l’Assemblée nationale.




















