
La Cour des comptes a proposé mardi une réforme du pacte Dutreil, qui offre des conditions fiscales très avantageuses pour les transmissions d'entreprises familiales, dont elle juge le coût «élevé» pour des résultats économiques «peu discernables». Ce dispositif fiscal offre actuellement un abattement de 75% sur la valeur de l'entreprise transmise, à condition d'une conservation de celle-ci par les héritiers pendant une période déterminée.
La juridiction financière propose d'une part de «supprimer les mécanismes relevant de l'optimisation fiscale», d'autre part de revoir à la baisse le taux d'exonération. Le coût de cette mesure, calculé en évaluant le manque à gagner pour le fisc par rapport à une transmission classique, s'est élevé à «plus de 5,5 milliards d'euros» en 2024, après 3,3 milliards en 2023, années marquées chacune par une «très grosse opération» de transmission, selon le rapport. Il était de 1,2 milliard d'euros en 2020 et 2021.
Pourtant, chaque année, faute d'évaluation précise - le rapport de la Cour des comptes est la première tentative de connaître précisément ces sommes - le coût du pacte Dutreil est inscrit à 500 millions d'euros seulement dans les projets de loi de finances, somme portée à 800 millions en 2025.
Des préconisations qui permettraient de diviser par «plus de deux» le coût du pacte Dutreil
Dans le même temps, la Cour détaille dans son rapport des «effets économiques favorables attendus (qui) ne sont pas observés». Dans ses recommandations, elle propose de supprimer les biens non professionnels du régime de faveur, et d'allonger l'engagement de détention de l'entreprise pour bénéficier de ses avantages. Elle suggère aussi de rendre le barème d'exonération progressif et de réduire l'avantage fiscal pour les entreprises du secteur réglementé ou non exposées à la concurrence internationale.
L'application de toutes les mesures préconisées «diviserait par plus de deux» le coût pour les finances publiques, a précisé le Premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici lors d'une conférence de presse. «Je ne peux que souhaiter que les parlementaires s'emparent (du rapport) dans le cadre du débat budgétaire en cours», a ajouté M. Moscovici. Il a regretté par ailleurs les fuites du rapport depuis plusieurs semaines, et que le ministère des Finances n'y ait pas répondu.
Alors que les réformes successives du pacte Dutreil sont toutes allées dans le sens «d'un assouplissement», selon lui, il a noté que les critères appliqués dans d'autres pays européens, dont l'Allemagne, pourtant soucieuse de la pérennité de ses entreprises familiales, étaient «plus resserrés». Il s'en est enfin pris aux récents propos de l'ancien ministre des PME Renaud Dutreil, qui avait donné son nom à ce dispositif en 2003. Après des fuites du rapport dans la presse, fin octobre, ce dernier avait qualifié la Cour des comptes «d'officine du Parti socialiste» ayant «un intérêt idéologique» à publier ce rapport. «Une remise en cause infondée, indécente», voire «un signe de fébrilité», a lancé Pierre Moscovici, mardi.
Le ministère de l'Economie et des Finances a jugé mardi «nécessaire de préserver» le dispositif fiscal du pacte Dutreil, avec quelques «ajustements» portant notamment sur l'inclusion de «biens somptuaires pour lesquels il faudra ajuster le curseur», a fait savoir le ministère lors d'un point de presse téléphonique, quelques heures après que la Cour des comptes eut proposé des modifications plus profondes de ce dispositif offrant en particulier un abattement de 75% sur la transmission des entreprises familiales. Quant au Medef et au Meti (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire) ont vivement contesté mardi «les analyses et conclusions» de la Cour des comptes.

















