Une «surenchère» voire une «folie fiscale». Le gouvernement est vent debout contre les derniers amendements adoptés par les députés lors de l’examen du projet de loi de financement (PLF) 2026 à l’Assemblée nationale. Mardi 28 et mercredi 29 octobre, une série d'amendements déposés par la gauche mais aussi par le Rassemblement national (RN) et même par le groupe Renaissance, visant tous à taxer davantage les multinationales, ont été adoptés. Retour sur ces derniers jours d’examen à l’hémicycle.

Mardi 28 octobre, dans la soirée, les députés de la gauche et du RN, par une alliance circonstancielle, ont voté un amendement initialement déposé par La France insoumise (LFI) proposant la création d’un «impôt universel» sur les multinationales. L’objectif serait de taxer les bénéfices de ces grandes entreprises transnationales proportionnellement à leur activité réellement réalisée en France afin de lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscale.

Un dispositif à 26 milliards d'euros... mais difficilement applicable ?

L’amendement qui reprend les arguments portés par l’association altermondialiste Attac, ainsi que les travaux des économistes Thomas Piketty et Gabriel Zucman, avance que le coût de l’évasion fiscale en France est évalué entre 80 et 100 milliards d'euros par an. Dans le détail, l’administration fiscale devra calculer le pourcentage d’activité effectué sur le territoire français et y appliquer «le taux d'impôt sur les sociétés sur 10% des bénéfices, que ceux-ci soient artificiellement localisés en Irlande, au Luxembourg ou aux Seychelles», expliquent les auteurs de l’amendement.

Le dispositif pourrait rapporter 26 milliards d’euros à la France selon ses défenseurs. À l’inverse, pour le ministre de l’Economie, Roland Lescure, ce sera «20 milliards d’ennuis» en plus pour le pays. En effet, pour ce dernier, la mesure est «concrètement inopérante et inapplicable» mais aussi «incompatible avec les 125 conventions bilatérales signées par la France».

L’Assemblée nationale pour le doublement de la taxe Gafam

Plus tard dans la soirée, mardi, les députés ont aussi voté un amendement déposé par le groupe Renaissance visant à doubler la taxe Gafam qui cible les grandes entreprises de la tech en portant le taux de 3% à 6%. Cette taxe a été instaurée en 2019 pour mettre fin à l’inégalité fiscale entre les grandes entreprises du numérique, souvent étrangères, et les acteurs économiques soumis à l'impôt sur le territoire. Son rendement de «700 millions d’euros en 2024 demeure sans rapport avec les profits réalisés en France par les grands groupes du secteur» avancent les auteurs de l’amendement.

En commission, les élus macronistes voulaient initialement porter le taux de 3% à 15%. L’idée a finalement été abandonnée face à la menace d’éventuelles représailles de l'administration de Donald Trump. Le gouvernement ne souhaitait pas modifier ce prélèvement censé rapporter 882 millions d’euros en 2026.

Les députés pour davantage de multinationales soumises à l'impôt minimum de 15% sur les bénéfices

Mercredi 29 octobre, une nouvelle fois, une alliance entre la gauche et le Rassemblement national a permis l’adoption d’un amendement porté par LFI visant à élargir le champ d'application de l'impôt minimum de 15% sur les bénéfices des multinationales en abaissant son seuil de déclenchement. Actuellement, seules les sociétés qui réalisent plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires sont concernées, ce qui correspond à seulement 10 % des multinationales, précisent les auteurs de l’amendement qui reprennent un chiffre de l’association Oxfam. Les députés proposent que ce seuil de déclenchement passe à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Cette taxe a été créée initialement par le gouvernement en 2024 dans le cadre d’un accord international piloté par l’OCDE visant à mettre en place une réponse coordonnée à l’évasion fiscale des grandes entreprises. Dans le budget 2026, cette mesure est censée rapporter environ 500 millions d'euros de recettes fiscales.

L’adoption in extremis de deux autres amendements contre l’avis du gouvernement

Les députés ont adopté à quelques voix près, et contre l’avis du gouvernement, un amendement du groupe RN visant à alourdir la taxe sur les programmes de rachat d’actions dans le but de lutter contre la spéculation. Les auteurs de cet amendement proposent d'augmenter le taux de 8% à 33% tout en élargissant l’assiette à toutes les entreprises réalisant des rachats d’actions dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros. Cela permettrait, selon le RN, de dégager un rendement de 8,415 milliards d'euros la première année.

Enfin, lors d’un vote de nouveau très serré, LFI a réussi à faire adopter un amendement instaurant une taxe exceptionnelle sur les superdividendes de 20 à 33%. Selon les auteurs, 0,01% des foyers fiscaux captent à eux seuls un tiers des dividendes.

«La justice fiscale, on peut y travailler (...) Mais taxer et sanctionner la réussite, la croissance et les emplois, ce n’est pas notre boussole», a réagi la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, mercredi suite à l’adoption de ces trois derniers amendements. L’ensemble de ces modifications de la copie initiale rendue par le gouvernement doivent encore passer par le Sénat, à majorité de droite, qui risque de faire du tri parmi les amendements adoptés. «Nous en sommes qu’au début du débat. Les votes ne sont pas la copie finale», a précisé la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, mercredi 29 octobre.