«Une capitulation terrible». Mardi 7 octobre, dans les colonnes du Parisien, Elisabeth Borne s’est laissé aller à un véritable retournement de situation. L’ancienne Première ministre, qui avait porté à bras-le-corps la très contestée réforme des retraites lorsqu’elle était à Matignon, s’est dite favorable à sa suspension au vu du grave contexte politique que traverse notre pays après la démission surprise de Sébastien Lecornu, quelques heures seulement après avoir dévoilé la liste des premiers ministres qui formeront son gouvernement. «Dans le contexte actuel, pour avancer, il faut savoir écouter et bouger», a ainsi déclaré la ministre démissionnaire de l’Éducation nationale.

Bien qu’elle reconnaisse que la question des retraites a été «un sujet épidermique» en France, plusieurs pistes portées par les organisations syndicales, à l’instar de la question de la pénibilité ou encore celle du travail des femmes, peuvent être étudiées. «Si c’est la condition de la stabilité du pays, on doit examiner les modalités et les conséquences concrètes d’une suspension», a-t-elle ainsi déclaré. Un virage à 360 degrés qui n’a pas manqué de faire réagir l’éditorialiste Emmanuel Lechypre. Sur le plateau de BFMTV, ce dernier n’a ainsi pas hésité à évoquer une «triple capitulation politique», et ce, alors même que cette réforme reste la plus emblématique des mandats d’Emmanuel Macron.

Le premier président de la République a échoué à deux reprises

Si, pour l’éditorialiste, cette proposition de l’ancienne Première ministre de revenir sur sa réforme des retraites peut s’apparenter à une main tendue au Parti socialiste, «la geler oui, mais pourquoi pas l’abandonner et là ce serait quand même "qu’est-ce qui resterait du mandat d’Emmanuel Macron ?"», s’est-il interrogé. Pour ce dernier, alors que la France a connu pas moins de huit réformes des retraites, toutes ont réussi et l’actuel chef de l’État serait donc le seul à avoir échoué à deux reprises, à savoir pour la retraite à points et la dernière portée par Elisabeth Borne.

Il faut dire que, outre un sérieux revers politique, l’abandon de cette réforme largement décriée dans la rue aurait également un véritable coût économique. En effet, selon les chiffres de la Cour des comptes de février dernier, revenir dessus coûterait plusieurs milliards d’euros, 5,8 milliards au sens strict pour être précis. «Une suspension à 63 ans du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite coûterait 500 millions d’euros en 2026, 3 milliards d’euros en 2027 et 5,8 milliards d’euros en 2035», a ainsi rappelé le président de l’Institut de la protection sociale (IPS), Bruno Chrétien. Mais ce n’est pas tout, car il y a également le coût du combat de ce qu’a été cette réforme et de toutes celles qui n’ont pas été faites, a pointé du doigt Emmanuel Lechypre. Et de conclure : «Que vont penser nos investisseurs internationaux, que la France n’a pas changée alors qu’ils avaient cru qu’elle a changé.»