«Atterré», «scandalisé»… Le changement de législation autour des découverts bancaires a suscité de vives réactions chez nos lecteurs. La semaine dernière, nous vous proposions de témoigner pour évoquer l'entrée des découverts de moins de 200 euros (ou de moins d'un mois) dans la catégorie des crédits à la consommation, comme le prévoit une directive européenne qui entrera en vigueur en France en 2026. Outre son caractère éruptif, ce changement de nature juridique déclenche de nombreuses questions auxquelles nous avons tenté de répondre avec Maître Laurent Denis, avocat spécialisé dans le droit bancaire.

Christophe, par exemple, regrette cette mesure qui lui semble «être une punition pour les gens modestes», mais, surtout, il s'interroge : «J'ai une retraite honorable, mais avec des charges importantes : ma maison, et l'aide financière que j'apporte à une amie, qui est une mère isolée. Je termine ainsi les mois avec un découvert de 1 000 euros environ, mais qui est couvert par la pension suivante. Comment mon cas sera-t-il géré à l'avenir ?»

Pour Christophe, pas de changement à craindre a priori, puisque les découverts bancaires de plus de 200 euros entraient déjà dans la catégorie des crédits à la consommation. Selon Laurent Denis, les banques n'auraient pas de raison de mettre fin à ce type de pratique : «En regardant l'historique de leurs clients, les banques peuvent déjà savoir si ces derniers ont la capacité de rembourser le découvert accordé avec leur revenu du mois prochain.» Aussi, si votre pension couvre tous les mois votre découvert, Christophe, vous devriez toujours pouvoir bénéficier de cette facilité de caisse.

De son côté, Boris craint également une réforme négative pour les ménages modestes : «Cette mesure va encore fragiliser les plus pauvres, car les banques auront encore plus de pouvoirs alors qu’elles en ont déjà beaucoup. Ici, on transforme le découvert en crédit revolving et c’est injuste comme les agios, car la majorité des gens n’ont pas recours aux découverts par plaisir, mais parce qu’ils n’ont pas d’autres choix.»

Les découverts vont-ils devenir plus chers ?

Il est vrai que le terme «crédit à la consommation» peut évoquer le crédit revolving ou renouvelable, qui consiste à mettre à la disposition de l'emprunteur une réserve d'argent, utilisable à tout moment, et qui se reconstitue au fur et à mesure des remboursements. Un type de crédit dont les taux peuvent en effet être particulièrement élevés, et qui est la cause de 85% des dossiers de surendettement selon la Banque de France. Pour Laurent Denis, il n'est pas écrit que les tarifs appliqués aux découverts deviennent plus onéreux, à l'instar des taux des crédits renouvelables.

Au contraire, «faire entrer les découverts de moins de 200 euros dans la catégorie des crédits à la consommation va les soumettre à une tarification plus encadrée. Pour les crédits conso et désormais pour tous les découverts jusqu'à 3 000 euros, c'est le taux d'usure qui s'applique, et qui ne peut pas dépasser 23% cette année», explique l'avocat. Or, ce taux, qui correspond au maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer, est inférieur à ce qui pouvait se pratiquer jusqu'ici pour les découverts de moins de 200 euros.

Selon l'UFC Que choisir, les tarifs appliqués par les banques, notamment à travers des «minima forfaitaires» - des frais fixes imposés sur les petits découverts - peuvent largement dépasser le taux d'usure. Dans un exemple donné dans son étude sur le sujet publiée en avril 2025, le coût annualisé d'un petit découvert pouvait atteindre 26 000%... soit 1 140 fois le taux d’usure.

Des clients plus «fliqués» ?

Pour finir, Claude, redoute, elle, davantage les contrôles de solvabilité menés par les banques, qui devraient être plus poussés avec cette nouvelle législation : «Je m'interroge surtout sur les contrôles de solvabilité dont je lis partout qu'ils vont être plus nombreux. Concrètement, qu'est-ce que les banques vont regarder pour accorder les découverts ? Et le temps de mener ces contrôles pourra-t-il retarder le délai pour accorder un découvert ?»

Sur ce point, Laurent Denis se veut rassurant : «Que les choses deviennent plus contraignantes ou compliquées pour la banque n'implique pas nécessairement que les choses deviennent plus compliquées pour les clients.» Autrement dit, on peut espérer que le fait de devoir mener des contrôles plus fréquents n'aura qu'un impact limité sur les clients. D'autant plus que pour l'avocat, «les banques ont l'habitude d'étudier ce type de prêt. Cela consiste à faire une analyse sur la base des revenus et des charges, sur l'historique du client et sur sa capacité à rembourser. Elles faisaient déjà ces analyses de solvabilité pour les découverts de plus de 200 euros, pas de raison, donc, qu'elles mettent plus temps à accorder des découverts.»

Reste à savoir ce qu'il adviendra des personnes jugées non suffisamment solvables par les banques. Reçue mercredi 5 novembre au ministère de l'Economie, L’Union nationale des associations familiales rappelle que «la directive fixe des obligations et une ambition : que tout client dépassant de façon récurrente son découvert autorisé soit orienté sans frais vers des services de conseil aux personnes endettées indépendants des créanciers», et demande que ce service soit garanti par la création d’un fonds géré par l’Etat et abondé par une contribution volontaire des banques.