Une suggestion tenace du gouvernement. Le 22 juillet dernier, le ministère du Travail a confirmé à Capital son intention de durcir l’un des paramètres clés de l’assurance chômage : la période de référence d’affiliation (PRA). Aujourd’hui, pour décrocher l’Allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), il faut avoir travaillé au moins six mois au cours des deux dernières années (24 mois). Pour les plus de 53 ans, la règle est déjà un peu assouplie : six mois d’activité sur les deux ans et demi (30 mois) précédents suffisent.

Mais cette règle pourrait bientôt être durcie. Alors que s’ouvrent les négociations sur une nouvelle réforme de l’assurance chômage, pour laquelle les partenaires sociaux ont jusqu’à mi-novembre pour rendre leur copie, le gouvernement, lui, avance déjà ses pions. Dans les cartons : conditionner l’indemnisation à huit mois de travail sur les 20 derniers mois. «Le gouvernement va effectivement proposer aux partenaires sociaux de réfléchir sur la durée d’affiliation», glisse l’entourage de la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet.

Une proposition déjà présente dans le décret Attal, qui prévoyait un tour de vis de l’assurance chômage en 2024 avant d’être emporté par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier. A l’époque, l’Unédic, l’organisme qui gère l’assurance chômage, avait réalisé une étude d’impact sur ces mesures, restée confidentielle jusqu’à sa parution dans Le Monde le 22 juillet. Parmi les propositions analysées, cet allongement de la durée d’affiliation à huit mois d’activité sur les 20 derniers mois.

Les jeunes hommes en fin de contrats courts mal payés sont les premiers concernés

Les grands perdants ? Tous ceux qui, faute d’avoir accumulé assez de période d’activité, ne pourraient plus ouvrir de droits. Plus précisément, ceux qui risquent de trinquer sont d’abord les jeunes travailleurs aux faibles rémunérations, fraîchement sortis d’un CDD. En début de carrière, les contrats courts s’enchaînent (CDD ou missions d’intérim) et avec cela, leur lot de périodes creuses. Résultat, il devient plus difficile pour ces demandeurs d’emploi de cumuler huit mois d’activité sur les 20 derniers mois. Et quand ces jeunes parviennent malgré tout à le faire, cela n’est pas forcément un cadeau : le montant de leur allocation chômage, calculé sur le Salaire journalier de référence (SJR), reste faible. Avec des rémunérations faibles, le montant de leur indemnisation l’est logiquement tout autant.

Plus précisément, parmi les jeunes travailleurs, les hommes seraient les premiers pénalisés : ils alternent en effet plus souvent que les femmes petits boulots précaires et activités non salariées (freelance, autoentrepreneuriat). Or, les allocations dédiées aux travailleurs indépendants (ATEI) sont loin d'être une solution miracle : elles imposent des conditions strictes, notamment de chiffre d’affaires, ce qui les rend particulièrement compliquées à obtenir. Ces jeunes retombent donc dans le régime classique de l’assurance chômage, mais avec des parcours éclatés qui rendent l’ouverture des droits plus difficile. Mais précisons le bien : cet allongement de la durée d’affiliation «n’est qu’une proposition, qui devra être discutée avec les partenaires sociaux jusqu’à la mi-novembre», tempère le cabinet d’Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail.

Le ministère du Travail veut protéger les publics

Pourtant, les primo-accédants – en grande partie des jeunes – faisaient partie, aux côtés des seniors, des publics protégés par les partenaires sociaux lors des négociations sur l’assurance chômage l’an dernier. Une protection vite balayée par le décret Attal donc. Soucieux de «laisser le champ libre» aux partenaires sociaux, le ministère du Travail réaffirme néanmoins auprès de Capital l’importance d’un régime dérogatoire pour ces publics fragiles, jeunes comme seniors, «dont [il connaît] la vulnérabilité, et que la ministre veut continuer de protéger au mieux.»