
Les salariés les mieux payés auront-ils bientôt moins de chômage ? C'est l’hypothèse qui se dessine dans la lettre de cadrage envoyée au début du mois d’août par François Bayrou. La première étape d’un nouveau round de négociations sur la prochaine convention d’assurance chômage. «La situation financière du régime de l'assurance chômage et la nécessité de travailler plus nombreux rendent nécessaire une évolution des règles de l'assurance chômage», justifie le Premier ministre dans le document transmis aux syndicats.
Pour espérer récupérer 2,25 milliards d’euros entre 2026 et 2029, le gouvernement souhaite que les partenaires sociaux planchent sur «l'opportunité d'adapter les différences d'incitation de retour à l'emploi selon le niveau de rémunération et le montant d'allocation, afin de tenir compte des capacités effectives à retrouver un emploi», évoque le texte consulté par Capital. Mais lettre de cadrage oblige, l’exécutif reste prudemment flou : ni Matignon ni le ministère du Travail n’ont souhaité détailler davantage cette piste. A la charge des syndicats de trouver la méthode, donc. Même si une source proche du dossier nous glisse que l’option privilégiée serait la dégressivité des allocations chômage pour les plus hauts salaires.
La dégressivité des allocations chômage mise en place depuis 2019
Reste qu’il n’y a là rien de totalement inédit. Ce dispositif existe déjà depuis 2019 : les demandeurs d’emploi de moins de 55 ans qui perçoivent une allocation supérieure à 92,57 euros par jour – soit environ 4 940 euros brut par mois – voient leur indemnisation baisser à partir du septième mois. Puisque ces demandeurs d’emploi sont davantage payés, ils sont aussi souvent plus qualifiés et auraient donc logiquement moins de mal à retrouver un emploi. Le gouvernement souhaiterait durcir cette actuelle dégressivité pour limiter le chômage de ces profils très qualifiés.
Mais comment ? En avançant le couperet de la dégressivité au 5ème ou 6ème mois (contre 7 actuellement) pour ceux qui dépassent 4 940 euros brut mensuels ? En abaissant ce seuil ? En réduisant la période de référence pour ces mêmes salaires élevés (actuellement de 24 mois) ? Encore trop tôt pour le dire. «Ce sera sans doute un mix de tout cela», anticipe Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT en charge de l’emploi et du chômage.
Doubler le plafonnement des cotisations pour éviter la dégressivité
Une méthode que le syndicaliste juge d’ailleurs absurde : «C’est déjà le contraire de ce qu’il faut faire.» A ses yeux, la vraie solution ne passe pas par un rabotage supplémentaire, mais par un système plus solidaire : déplafonner cotisations et allocations. Aujourd’hui, les cotisations chômage sont en effet plafonnées à 4 plafonds mensuels de la Sécurité sociale (PMSS), soit 15 700 euros brut par mois. Autrement dit, au-delà de ce montant, ni les salariés ni les employeurs ne cotisent à l’assurance chômage. Résultat : les très hauts revenus (au-delà de 15 000 euros mensuels) cotisent proportionnellement beaucoup moins, alors même que «le rapport cotisations/allocations est largement positif pour l’assurance chômage», souligne Denis Gravouil.
Pour la CGT, il faudrait donc relever ce plafond à 8 PMSS, et faire cotiser les salariés et leurs employeurs sur la tranche comprise entre 15 700 et 31 400 euros brut par mois. Une mesure qui concernerait les «130 000 plus hauts salaires de France», calcule Denis Gravouil. Le syndicat rappelle d’ailleurs que le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco, piloté par les partenaires sociaux, fonctionne déjà ainsi, avec un plafond fixé à 8 PMSS. «C’est un système beaucoup plus solidaire, qui rapporte presque un milliard d’euros par an», justifie-t-il.
Cette piste a toutefois peu de chances de séduire les syndicats patronaux. En effet, pas sûr que le Medef et la CPME applaudissent l’idée de faire cotiser davantage les employeurs. Les négociations entre partenaires sociaux n’ayant pas encore débuté, il faudra patienter quelques semaines pour connaître leur avis définitif sur la question.



















