
Depuis cinq ans, rappelle BFMTV, l'administration teste un dispositif inspiré du secteur privé : la rupture conventionnelle. L'expérimentation, ouverte en 2020 dans la fonction publique d'Etat, territoriale et hospitalière, doit s'achever fin décembre. Mais le ministre de l'Action publique, Laurent Marcangeli, ne cache pas son intention d'en faire un outil permanent. Pour lui, cette voie médiane entre démission et disponibilité qui offre aux agents le droit à l'allocation chômage, «apporte une solution à des situations RH complexes qui ne trouvent pas d'issue». Un rapport remis au Parlement en mars a déjà dressé un bilan favorable, ouvrant la voie à une nouvelle loi pour prolonger la mesure.
Cette perspective suscite toutefois un vif débat. Côté syndicats, le dispositif est perçu comme un outil de mesure du malaise grandissant dans la fonction publique, plus particulièrement dans un secteur. «Les demandes les plus nombreuses sont dans l'Education nationale et toutes ne sont pas forcément validées», constate en effet Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonction publique. Luc Farre, de l'Unsa, confirme : «Trois ruptures conventionnelles sur quatre concernent les enseignants». Pour Sophie Vénétitay, du SNES-FSU, il s'agit «d'un bon baromètre de l'état de l'Education nationale» : beaucoup de professeurs sollicitent ce dispositif, faute de meilleures conditions de travail et de rémunération.
Un outil de gestion RH... ou un levier budgétaire ?
Si le gouvernement insiste sur la dimension volontaire de la rupture conventionnelle, les syndicats y voient aussi une arme budgétaire. Dans un contexte de rigueur, l'exécutif cherche à réduire la masse salariale publique. Le Premier ministre François Bayrou a annoncé en juillet la suppression de 3000 postes dès 2025, dans le cadre d'un plan de redressement prévoyant 43,8 milliards d'euros d’économies d'ici à 2026. «On le voit clairement comme un outil qui pourrait permettre de supprimer des postes et de se débarrasser d'un nombre conséquent de fonctionnaires», redoute Sophie Vénétitay.
Au-delà de l'éducation, le succès reste relatif. Entre 2020 et 2022, 4642 ruptures conventionnelles ont été enregistrées dans la fonction publique d'Etat. En revanche, le dispositif peine à décoller dans les versants hospitalier et territorial. La Cour des comptes relève un coût global de 107,6 millions d'euros pour cette période, avec une indemnité moyenne de 20 300 euros.
Des indemnités jugées insuffisantes
Autre source de crispation : le montant des indemnités. Le calcul est lié à l'ancienneté et plafonné, bien en deçà des standards du privé. Ainsi, un agent ayant jusqu'à 10 ans d'ancienneté touche au minimum un quart de mois de salaire brut par année de service. Dans certaines conventions collectives privées, l'équivalent peut atteindre un mois par an, soit une compensation bien plus favorable. De nombreux fonctionnaires hésitent ou renoncent, jugeant le dispositif peu attractif. «Malgré les demandes nombreuses, toutes ne sont pas acceptées et certains agents ont laissé tomber vu la faiblesse des indemnités», confirme Luc Farre. L'exécutif devra donc trouver un équilibre : pérenniser un outil de flexibilité sans en faire un instrument de rigueur budgétaire, ni aggraver la défiance des fonctionnaires déjà confrontés à la dégradation de leurs conditions de travail.
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