“La féminisation des postes de direction est synonyme d’innovation”

La seconde étude, passionnante, a été menée par Michel Ferrary, fondateur de l’Observatoire Skema de la féminisation des entreprises. Là encore, les résultats sont très clairs : pour 2021, la rentabilité opérationnelle des 10 entreprises dont le comex est le plus féminisé est supérieure de 64,24% à celle des 10 sociétés dont le comex est le moins féminisé. Et leur responsabilité environnementale est supérieure de 41,68%.

Comment expliquez-vous ces chiffres ?

Ces chiffres s’expliquent par le profil «surdimensionné» des femmes en position de responsabilité. Les recruter, c’est recruter plus de matière grise et de talent. Par ailleurs, les femmes, groupe minoritaire en entreprise et peu aguerri aux jobs de pouvoir, apportent fraîcheur et idées novatrices. L’étude Sodexo le prouve, la féminisation est synonyme d’innovation ! Et comme le rappelle l’étude Skema, quand une entreprise vend des produits destinés aux hommes et aux femmes, n’avoir que des hommes dans les équipes de conception n’est pas une bonne solution. Plus une entreprise reflète ce que sont ses clients, plus ses produits seront en adéquation avec la demande.

Qu’entendez-vous exactement par ce profil «surdimensionné» des femmes aux postes dirigeants ? Et comment l'expliquer ?

D’abord, la majorité des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes : 56%. Il n’est donc pas étonnant que leur recrutement s’appuie sur leurs diplômes. Ensuite, elles acquièrent des réflexes de «bonne élève» dès l’école primaire et ont, toute leur scolarité, de meilleurs résultats que les garçons. Cela se poursuit en entreprise où, qu’elles présentent un business plan dans une grosse entreprise ou un pitch destiné à lever des fonds dans une petite organisation, elles se préparent mieux et davantage que les hommes. Enfin, elles se sentent attendues au tournant et veulent prouver aux hommes qu’elles méritent le poste qu’elles occupent.

Surdimensionnées, les femmes aux commandes sont pourtant peu visibles… Pourquoi ?

C’est un peu leur superpouvoir, cette cape d’invisibilité ! Il naît de la façon dont on élève les filles dans nos sociétés judéo-chrétiennes, où on leur répète sans cesse : «Travaille, sois bonne élève, tais-toi et ne la ramène pas.» La femme doit être discrète dans toutes les situations, c’est écrit ! A l’âge adulte, elles sont gênées de prendre la lumière et déclarent ne pas avoir envie de «fanfaronner», comme s’il y avait un truc dégradant à faire savoir qu’on sait faire.

Cette discrétion se niche jusque dans les remises de prix : au moment de remercier, elles les reçoivent au nom d’une équipe et expliquent souvent qu’elles ne seraient pas là sans untel, untel et untel… L’autre raison de cette invisibilisation est intimement liée à leur surdimensionnement : elles fixent très haut, bien plus haut que les hommes, le seuil où elles estiment qu’elles sont assez efficaces et suffisamment au niveau pour communiquer!

Quelles sont les caractéristiques des femmes qui parviennent, malgré tout, à des fonctions dirigeantes ?

Les femmes qui passent le plafond de verre ont admis, à l’instar de leurs collègues masculins, que le travail est un jeu dont les coups bas font partie. Le côté «bon élève» des femmes peut être à double tranchant, mais il constitue une force indéniable. Obnubilées par la performance et n’aimant pas le risque (l’aversion des femmes au risque a été mesurée par les compagnies d’assurances), les dirigeantes défendent toujours des dossiers en béton, réalistes et fouillés.

Elles ont aussi tendance à s’attaquer aux causes difficiles ou aux sujets dont personne ne veut. Quand ça fonctionne, c’est coup double ! Si elles pèchent en matière de visibilité, elles peuvent, en revanche, s’appuyer sur les réseaux qu’elles savent construire à l’intérieur de l’entreprise. Enfin, et c’est plus polémique parce que ça a l’air de sous-entendre que les hommes sont plus «mercenaires», elles sont hyper-loyales et honnêtes. Au point que quand je leur conseille de benchmarker la concurrence, elles trouvent ça déloyal ! Mais si la promotion interne fonctionne dans la boîte où elles se trouvent, cette loyauté peut être récompensée.

Une formation pour crever le plafond

«9 mois pour pulvériser le plafond de verre» : c’est le nom du programme que cette coach, conférencière et autrice a mis en place. Son constat, c’est que si les femmes parviennent désormais à devenir cadres – on en compte même 40% –, il existe ensuite un vrai décrochage du fait de ce fameux plafond de verre. Les stratégies mises en place jusqu’ici (travailler deux fois plus, par exemple) ne fonctionnent plus. Le programme #PPV Executive les incite notamment à travailler leur visibilité, leur confiance en soi, leur réseau et leur intelligence politique.

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