
Au gouvernement, à droite, chez les patrons, à gauche… Tous n’ont qu’un mot à la bouche : la taxe Zucman du nom de l’économiste Gabriel Zucman, professeur à l’Ecole Normale Supérieure, l’Ecole d’économie de Paris et président de l’Observatoire fiscal de l’Union européenne. Défendue par les socialistes qui l'ont inscrite dans leur contre-budget, la mesure consiste à créer un impôt plancher sur le patrimoine des Français les plus riches. Alors que Sébastien Lecornu, à peine nommé Premier ministre, est déjà menacé par la censure, la gauche tente de trouver un accord avec le nouveau gouvernement sur la taxation des ultra-riches.
Mais cette taxe passe mal au sein du gouvernement. Si Sébastien Lecornu se dit prêt à travailler sur «des questions de justice fiscale, de répartition de l’effort», le nouveau locataire de Matignon rejette toute «idéologie» et veut tout de même préserver «le patrimoine professionnel, car c’est ce qui permet de créer des emplois et de la croissance en France».
En quoi consiste la taxe Zucman ?
En février dernier, l’Assemblée nationale a déjà adopté en première lecture une proposition de loi du groupe Écologiste et Social reprenant le mécanisme mis au point par Gabriel Zucman. Mais le texte a été rejeté en juin par le Sénat, à majorité de droite et du centre, à l’image du débat public autour de cette taxe, initialement présenté en juin 2024 dans un rapport sur la taxation des ultra-riches écrit par Gabriel Zucman.
L’idée est de créer un impôt plancher sur la fortune de 2% pour les Français les plus riches, ceux dont le patrimoine dépasse les 100 millions d’euros. 1 800 foyers seraient concernés. Attention, il s’agit d’une taxe sur l’ensemble du patrimoine et pas seulement sur le revenu. Le capital professionnel est donc concerné. Selon les partisans de cette taxe, les plus aisés paient moins d'impôts que ce qu’ils devraient grâce notamment à des schémas d’optimisation fiscale. Cette taxe vise donc à réajuster ce déséquilibre. Elle s’appliquerait dès lors que le total des impôts est inférieur à 2% du patrimoine détenu par ces riches Français.
Quels sont les arguments de la droite et du centre contre la taxe Zucman ?
Selon Gabriel Zucman, soutenu par plusieurs Prix Nobel d’économie comme Esther Duflo, Joseph Stiglitz et Paul Krugman, une telle mesure permettrait de générer des recettes allant de 15 à 25 milliards d’euros par an. Dans une tribune publiée le 9 septembre par Le Monde, sept économistes affirment que la taxe ne rapporterait en réalité que 5 milliards d’euros. Ils estiment par ailleurs que les effets de la taxe Zucman sont limités par les comportements des contribuables : face à une augmentation de la fiscalité, les plus aisés se tourneraient vers «l’évasion fiscale», «l'optimisation» ou «l’exil fiscal». C’est l’argument favori des détracteurs de la mesure qui mettent en garde contre la fuite des plus riches.
«Je ne sais pas pourquoi en France, on n’aime pas les riches. Si on taxe les riches (...) ils s’en vont», a lancé l’eurodéputé Les Republicain Christophe Gomart, sur Public Sénat lundi 15 septembre. Or, selon une note du Conseil d’analyse économique publiée en juillet 2025 confirme, l‘augmentation du niveau d'imposition sur les hauts patrimoines accélère en effet l’exil fiscal, mais les conséquences de ces mouvements sur l'économie française restent minimes. Par ailleurs, pour atténuer la fuite des Français les plus aisés, les écologistes ont ajouté à la taxe Zucman un mécanisme qui prévoit que «ceux qui s’expatrient resteront redevables de cet impôt plancher pendant cinq ans».
Les patrons s’opposent eux aussi à la taxe Zucman, «un épouvantail» pour Michel Edouard Leclerc à la tête du comité stratégique des hypermarchés. «Ça marche politiquement parce que c’est un drapeau de la révolte mais ça ne fait pas fonctionner l’économie», a ajouté le patron lundi sur RMC. Le président du Medef, Patrick Martin, menace, quant à lui, d’une grande «mobilisation patronale» si la taxe Zucman qui «intègre l’outil de travail dans le calcul du patrimoine, alors même que l’ISF ne le faisait», venait à être adoptée.
Autre point soulevé par les opposants à cette taxe : sa faiblesse constitutionnelle. Selon le sénateur Emmanuel Capus (Horizons) et les sept économistes signataires de la tribune parue dans Le Monde, la mise en place d’une taxe de 2% sur l’ensemble du patrimoine pourrait être jugée «confiscatoire» par le Conseil constitutionnel. En 2012, la juridiction suprême avait retoqué un taux d’imposition de 1,8%. C'était d’ailleurs l’argument du prédécesseur de Sébastien Lecornu, François Bayrou avait jugé cette taxe «inconstitutionnelle» en plus d’être «une menace sur les investissements en France». En effet, certains, comme le ministre démissionnaire de l'Économie, Eric Lombard, pensent aussi que l'inclusion des biens professionnels dans la base taxable pourrait freiner l’investissement et la prise de risque entrepreneuriale.
Mais pour éviter la chute de son gouvernement, Sébastien Lecornu devra faire un pas vers les socialistes. Et le PS n’a pas l'intention d’être trop conciliant : «Le ministre de l’Économie prétend vouloir taxer les riches, mais en excluant le patrimoine professionnel. Pour moi, c’est non ! Si on retire l’essentiel de leur richesse : les actions, alors il ne reste plus rien à imposer», a lancé Olivier Faure, à la tête du parti, au micro de France 2, lundi 15 septembre. François Hollande croit de son côté à un éventuel consensus à condition de «dégager un rendement sans risque d’optimisation ou d’évasion», a-t-il expliqué dans Le Figaro lundi.




















