
En 2025, la santé mentale a été déclarée Grande cause nationale, une reconnaissance symbolique, initiée sous le court mandat de l’ancien Premier ministre Michel Barnier. Une désignation qui peine toutefois à se traduire en actions concrètes. Selon Arthur Delaporte, député socialiste du Calvados, si la santé mentale est désormais «officiellement prise en compte», elle est en réalité tombée «aux oubliettes» en raison d’un manque criant de moyens. Dans son département, «on manque quasiment de la moitié des effectifs de psychiatres pour l’établissement public de santé mentale», ce qui complique considérablement la prise en charge des jeunes en souffrance. Cette difficulté se manifeste aussi au niveau des dispositifs d’écoute spécialisés, où le taux de non-réponse est «très important» et «pas supportable».
Les racines du mal ? Le député souligne que la précarité économique, les conditions de logement difficiles, ainsi que la nature des tâches confiées aux jeunes dans l’entreprise contribuent à leur mal-être. Il observe également que ces jeunes ont une «quête de sens» dans leur travail, que les fonctions subalternes ou à moindre valeur ajoutée ne parviennent pas toujours à satisfaire.
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Un fossé générationnel à combler
Ce que confirme Guirchaume Abitbol, cofondateur de l’application Lyynk dédiée à la santé mentale des jeunes, qui insiste aussi sur le fait que la génération Z souhaite «jouer un vrai rôle dans son métier». Selon ce dernier, les petites entreprises, plus flexibles, ont su s’adapter à ces attentes en offrant des aménagements comme le télétravail et une gestion autonome du temps de travail. «Mes équipes, je ne leur ai jamais imposé des heures. On n’est pas là en train de compter, on se fait confiance», précise-t-il. Ce mode de fonctionnement favorise le bien-être au travail et la fidélisation des collaborateurs. A l’inverse, les grands groupes et administrations, souvent plus rigides, peinent à recruter et à répondre à ces nouvelles attentes.
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Le bien-être au travail est d’ailleurs étroitement lié à la santé mentale, un lien souligné par Claire Morin, psychiatre et également cofondatrice de Lyynk. Pour elle, «un travailleur bien dans ses baskets est un jeune bien dans ses baskets». L’adolescence, période clé, doit donc être accompagnée afin de préparer ces jeunes à leur insertion professionnelle. Malgré une meilleure prise de conscience autour de la santé mentale, «les moyens en psychiatrie ne suivent pas», estime-t-elle, ce qui retarde la prise en charge des troubles. Ce retard a un coût important, non seulement pour les individus, mais aussi «pour la société et les entreprises, notamment à travers les arrêts de travail», juge-t-elle. Pour y remédier, Claire Morin préconise des actions concrètes dès le milieu scolaire, telles que la formation des enseignants, des ateliers de prévention pour les élèves et la sensibilisation des parents. «C’est ça qu’on essaie de porter», explique-t-elle, avec pour objectif d’améliorer le «capital santé mentale» des jeunes avant même leur entrée dans la vie active.



















