Le constat est alarmant. L’Association pour l'emploi des cadres (Apec) a publié ce jeudi 9 octobre une étude sur la santé mentale des cadres et des managers. L'enquête, qui s’appuie sur les réponses d’un échantillon représentatif de 2 000 salariés, révèle notamment que 41% des cadres disent travailler souvent sous pression, un chiffre bien supérieur à celui de l'ensemble des salariés (21%). «Leur quotidien est souvent rythmé par une charge de travail élevée, des objectifs exigeants et des horaires étendus, explique Emmanuel Kahn, responsable du pôle études de l'Apec.»

Cette pression constante au travail fragilise la santé mentale de certains cadres. Pour preuve, un tiers des personnes interrogées (32%) est sujet à des troubles du comportement fréquemment, qui ont des conséquences sur leur vie personnelle, avec une vulnérabilité accrue chez les femmes (34%) et les jeunes (36%). Plus d’un cadre sur deux (55%) dit ressentir au moins occasionnellement un stress intense, ou un sentiment d'épuisement professionnel. Autre «symptôme» de la pression au travail, 54% disent devoir faire face à des troubles du sommeil et 53% avouent ressentir une perte d'intérêt ou de motivation pour leur travail.

Les managers en première ligne

«Les salariés se plaignent aussi beaucoup des trucs qui clignotent de partout comme le chat et les messages... Cette sur-sollicitation fatigue beaucoup les cadres, explique une psychologue du travail qui a participé à la réalisation de l’étude. On a voulu faciliter la communication en multipliant les canaux de communication. Et finalement, ça empêche parfois de pouvoir prendre du temps pour finir quelque chose

Avec des réunions qui s'enchaînent et des urgences qui se superposent, les cadres ont un rapport au temps très complexe. «Il est très difficile de cumuler des rôles qui demandent tous beaucoup de temps, cela débouche sur des situations excessivement stressantes», alerte Emmanuel Kahn. Signe de l’épuisement d’une grande partie des cadres, un sur cinq dit avoir été arrêté par son médecin au moins une journée dans l’année en raison d’une réaction à une situation de stress ou d’anxiété.

Pour autant, les arrêts de travail restent minoritaires puisque les deux tiers des cadres déclarant une santé mentale dégradée n’ont pas été arrêtés par leur médecin au cours des 12 derniers mois. Bien que ces arrêts ne conduisent pas systématiquement à des troubles ou pathologies «lourdes» (dépression, anxiété sociale, burn-out, etc.), certains cadres peuvent en être affectés et avoir besoin d’un temps long pour se rétablir.

Si le sujet de la santé mentale est désormais pris au sérieux dans la plupart des entreprises, les actions qu’elles mettent en place pour améliorer le bien-être des cadres restent perçues comme peu concrètes par la majorité d’entre eux. Et pour cause, souvent en première ligne face aux soucis de leurs collaborateurs, les managers se trouvent eux-mêmes aux prises avec une santé mentale dégradée. Le cumul des rôles attribués aux managers (produire, contrôler, animer, gérer des conflits, fédérer, veiller à la santé mentale de leur équipe, etc.) entraîne des situations fréquentes de surcharge, qui les exposent encore plus que les autres cadres à des risques d’épuisement et de santé mentale dégradée.