Le débat a été rouvert par François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, il y a quelques jours. Il a évoqué non pas la recréation de la taxe d’habitation, loin de là…mais la création d’une modeste contribution de tous les habitants des communes de France à leurs finances. La somme maximum de 50 euros par an a été lâchée, pour une moyenne de 30 euros par ménage. Ballon d’essai? Vrai projet politique? Le Premier ministre, François Bayrou, a sans tardé apporté la réponse: aucun impôt nouveau «ni secret ni discret» n’est au programme, et il s’impose de bannir la «méthode de l’artichaut». Tant mieux, parce que le sujet vaut mieux que le bricolage fiscal auquel l’État s’adonne jusqu’alors, et depuis longtemps.

Le dernier épisode a concerné les droits de mutation à titre onéreux, les frais de notaire pour parler simplement -puisque ce sont les notaires qui les perçoivent lors de la réitération d’un achat immobilier pour le compte de la puissance publique-. Les départements, affaiblis par la baisse de la collecte consécutive à la diminution d’un tiers des transactions, devant faire face à leurs dépenses sociales, n’ont trouvé d’autre solution que de demander au législateur l’autorisation d’augmenter de 0,50% ces droits, déjà les plus élevés du monde. Et comme la mesure risquait de casser la reprise, le gouvernement a imposé que de cette hausse soient exclus les primo-accédants. Bref, tout cela manque de cohérence et de lisibilité.

Bouleversement des grands équilibres de la fiscalité locale

Un autre épisode, bien plus grave, nous renvoie au début du premier quinquennat du Président Macron : la suppression de la taxe d’habitation, devenue un totem de la macronie qui par conséquent considère taboue toute remise en question, a bouleversé les grands équilibres de la fiscalité locale. Pour en compenser imparfaitement la perte pour les communes, l’exécutif a gesticulé en leur transférant la taxe foncière, précédemment aux mains des départements, et en s’engageant à rerouter vers ces derniers de la TVA à due concurrence. Compliqué à souhait et surtout à la clé la mise à mort de l’autonomie fiscale des collectivités concernées.

François Bayrou a raison de vouloir un regard d’ensemble et quelque chose comme une logique et une intelligence de la fiscalité locales et de son articulation avec la fiscalité nationale, le logement constituant l’objet le plus concerné par ce réflexion. Depuis huit ans, il a fait les frais de cette courte vue et de ce marketing politique d’Emmanuel Macron: on n’a pas resolvabilisé les ménages de 700 euros en moyenne par an, on les a exposés à toutes les hausses d’impôts et de taxes locales. La taxe foncière a explosé, pour atteindre dans certaines communes un montant égal à la somme de l’ancienne taxe d’habitation et de l’ancienne taxe foncière. Acquérir un bien immobilier coûte 500 euros de plus par tranche de 100 000 euros, soit en moyenne 1 000 euros pour une opération moyenne. Sans compter les taxes plus confidentielles inventées par les collectivités, qui passent sous les radars, comme la taxe d’enlèvement des ordures ménagères -alors que la fréquence de passage ne cesse de
baisser dans nombre de communes de France, assortie du refus de certaines ordures au nom du tri sélectif et de la protection de l’environnement.

Le logement, victime expiatoire

Bref, un marché de dupes. Le pire n’est pas là. On ne peut nier que les missions pesant sur nos collectivités de proximité croissent sans cesse et que l’État, au fil des ans, charge la barque. On ne peut nier non plus que la subsidiarité soit gage de plus d’efficacité. N’empêche que ces acteurs locaux ont besoin de ressources de plus en plus importantes. En outre, les pourfendeurs du train de vie excessif des collectivités n’ont pas tort et avant de vouloir plus de rentrées fiscales il faudrait procéder à des économies. À l’arrivée en tout cas, le logement est la victime expiatoire, non seulement en supportant l’essentiel de la fiscalité locale, mais en faisant les frais de la baisse des permis de construire. Le lien? Le maire d’une commune qui estime ne pas pouvoir financer les services que de nouveaux habitants vont légitimement réclamer, une crèche, une classe de plus, un arrêt de bus, une antenne de police, préfèrera s’abstenir de les accueillir chez lui. C’est au fond la raison majeure des réticences à
délivrer des autorisations d’urbanisme
à la demande des promoteurs. Elle s’ajoute à la prudence des candidats à leur réélection, se gardant de troubler leur population par des évolutions sociologiques liées à des entrants dans la ville. Néanmoins, au cours du mandat municipal qui se termine, les maires ont pu ressentir que les besoins en logements de leurs administrés déjà là étaient de moins en moins satisfaits et qu’il leur fallait sortir du malthusianisme et abonder l’offre coûte que coûte.

Depuis l’arrivée à l’Élysée de l’actuel Président de la République, les relations entre le pouvoir exécutif national et les collectivités locales n’ont cessé de se dégrader. À la confiance, vitale, s’est substituée la défiance de chaque instant. Réenclencher ce dialogue est un enjeu crucial : il conditionnera la participation des collectivités locales à l’effort de réduction du déficit public et il évitera aux communes de sacrifier le logement sur l’autel de leurs peurs fiscales.