A 39 ans, Sébastien Lecornu était devenu officiellement Premier ministre en septembre. Après la cérémonie de passation à Matignon, le proche d’Emmanuel Macron, désigné le 9 septembre dans la soirée, devait affronter de nombreux chantiers. Ancien ministre des Armées pendant trois ans, il devait rapidement «consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget» et «bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois», précisait alors l’Elysée dans un communiqué annonçant sa nomination.

Le ton était donné. L’action de Sébastien Lecornu à la tête du gouvernement devait être «guidée par la défense de notre indépendance et de notre puissance, le service des Français et la stabilité politique et institutionnelle pour l’unité du pays», ajoutait l’Elysée. Et il y avait urgence : le premier dossier qui attendait le nouveau locataire de Matignon était l’adoption du budget 2026.

Mais, quelques semaines plus tard, Sébastien Lecornu a présenté sa démission lundi 6 octobre, avant d’être reconduit par le chef de l’Etat à Matignon ce vendredi 10 octobre. Cette fois, Emmanuel Macron «donne carte blanche au Premier ministre» Sébastien Lecornu, qu'il a donc renommé quatre jours après sa démission, a assuré l'entourage du président. Cela concerne «les négociations» sur le fond avec les partis politiques comme «les propositions de nominations», a précisé à l'AFP un proche du chef de l'Etat. La nomination est intervenue exactement à l'expiration du délai de 48 heures que s'était fixé Emmanuel Macron mercredi soir pour désigner un nouveau chef de gouvernement, après d'ultimes tractations avec ses alliés.

De nombreux dossiers attendent le Premier ministre

Un budget 2026 à faire adopter avant le 31 décembre 2025

En principe, le projet de loi de finances (PLF) doit être déposé au Parlement le premier mardi d’octobre au plus tard, soit cette année le 7 octobre. Le PLF et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) doivent ensuite être examinés par l’Assemblée nationale et le Sénat pour une durée maximale de 70 jours pour le premier et 50 jours pour le second. Le budget 2026 doit obligatoirement être adopté avant le 31 décembre.

Or, la tâche s’annonce compliquée pour le locataire de Matignon. François Bayrou en avait fait l’amère expérience, puisqu’il devait sa chute au vote de confiance qu’il avait lui-même convoqué sur son projet de budget 2026. Avec un objectif fixé à 44 milliards d’euros d’économies et des mesures polémiques, l’ex-Premier ministre n’avait pas su convaincre les oppositions.

La programmation énergétique toujours «en haut de la pile»

Le Premier ministre sera aussi attendu sur la question de la programmation énergétique. L'ancien ministre de l’Energie, Marc Ferracci, avait indiqué vouloir faire en sorte que ce texte, qui fixe les orientations en matière de production d’énergie, retardé cet été, «soit en haut de la pile», qu’il soit «reconduit ou non», avait indiqué son entourage à l’Agence France Presse (AFP), début septembre. Ce texte fixe la feuille de route énergétique de la France sur les dix prochaines années et vise à sortir des énergies fossiles pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

L’avenir de la Corse et de la Nouvelle-Calédonie

Le Premier ministre devra également reprendre les épineux textes concernant les collectivités territoriales et les Outre-mer, notamment le projet de révision constitutionnelle pour la Corse, censé être examiné par le Parlement à la rentrée. Mais aussi la Nouvelle-Calédonie : le ministre des Outre-mer sortant, Manuel Valls, s’était engagé à présenter le projet de réforme constitutionnelle le 17 septembre. Le texte prévoyait la création d’une assemblée nationale calédonienne et un éventuel transfert de certaines compétences régaliennes. L’accord de Bougival a été publié au Journal officiel le 6 septembre. Restait aussi le projet de loi contre la vie chère dans les Outre-mer, présenté par Manuel Valls en Conseil des ministres à la fin du mois de juillet.

Mercosur, loi Duplomb et agriculteurs en colère

Adoptée le 8 juillet 2025 et partiellement censurée par le Conseil constitutionnel le 7 août, la loi Duplomb continue de diviser. Une pétition citoyenne a déjà recueilli plus de 2,1 millions de signatures, poussant l’Assemblée nationale à se prononcer : doit-elle rouvrir le dossier ou le classer définitivement ? Si elle choisit d’aller plus loin, un débat sans vote se tiendra prochainement, ravivant une controverse qui ne faiblit pas.

Dans le même temps, un autre dossier sensible refait surface : celui de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay, Bolivie). Le 3 septembre 2025, la Commission européenne a validé le texte, ouvrant la voie à la ratification par les États membres et le Parlement européen. Si Bruxelles a ajouté des clauses de sauvegarde pour rassurer Paris et protéger les secteurs agricoles sensibles, la France continue d’exprimer sa ferme opposition. Les agriculteurs redoutent une concurrence déloyale de produits venus de pays dont les normes environnementales diffèrent radicalement des standards européens.

A cela s’ajoutent les tensions commerciales : le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche s’est accompagné d’une hausse brutale des droits de douane, frappant de plein fouet la viticulture française. Autant d’éléments qui nourrissent le malaise d’un secteur déjà sous pression.

Des textes de loi toujours en attente

Pour finir, le Premier ministre sera attendu concernant la réforme de l’audiovisuel public. Porté par la ministre de la Culture, Rachida Dati, le texte prévoyait de créer une holding, France Médias, qui gérerait France Télévisions, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Il a été adopté en juillet au Sénat et devait revenir à l’automne à l’Assemblée nationale. Le projet de loi sur la fin de vie, qui avait déjà souffert de la dissolution de l’été 2023, devait être examiné au début du mois d’octobre. D’autres textes de loi sont également en attente d’examen, comme ceux sur l’organisation des Jeux olympiques de 2030, sur le statut de l’élu local ou encore sur la simplification de la vie économique.