Le grand public l’a découvert grâce à sa participation régulière dans l’émission de M6 Qui veut devenir mon associé. Cofondateur de Ledger en 2014, une société spécialisée dans les portefeuilles numériques, devenue une licorne valorisée plus de 1 milliard de dollars, Eric Larchevêque a aujourd’hui changé de vie pour aider les patrons de PME à se développer. Mais cette figure du secteur des cryptomonnaies, qui a été secoué dernièrement par une série de rapts crapuleux, se montre très inquiète de l’état de la France et de la conjoncture. Tour d’horizon sans langue de bois.

Capital : Plusieurs dirigeants du monde de la cryptomonnaie, dont l'un des associés avec qui vous avez fondé Ledger, ont récemment été victimes de rapts ultraviolents. La police a arrêté des suspects aux profils très jeunes. Quel est votre sentiment ?

Eric Larchevêque : C’est malheureusement l’illustration d’une jeunesse qui est vraiment prête à tout pour obtenir de l’argent facilement. Car on ne parle pas ici de petits larcins, mais d’actes de barbarie. Est-ce qu’ils se rendent compte de la gravité de leurs actes ? Ou alors font-ils simplement un calcul entre ce qu’ils risquent virtuellement en étant arrêtés et les gains obtenus à coup sûr ? Je crains qu’ils ne ressentent une certaine impunité.

Mais si le secteur de la cryptomonnaie est autant visé, c’est qu’il y a bien une raison ?

Tout part d’une fausse croyance. Les actifs numériques seraient intraçables avec des virements instantanés, donc bien plus simples pour une rançon qu’une valise de billets de banque. En réalité, si la police et la gendarmerie sont prévenues très tôt par les proches des personnes rançonnées, elles pourront suivre les flux de paiement sur Internet. A un moment ou à un autre, les criminels voudront convertir leurs cryptos en devises sur des plateformes d’échange. Si ces dernières sont averties que ces actifs sont frauduleux, elles bloqueront l’opération. D’où l’importance de toujours prévenir les forces de l’ordre, ce que des victimes peuvent hésiter à faire par peur de représailles.

Comment parvenir à protéger davantage les entrepreneurs du secteur ?

En mai dernier, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a reçu une vingtaine de dirigeants dont je faisais partie, même si je n’ai plus d’activités opérationnelles chez Ledger. Nous avons été rassurés par le fait que les pouvoirs publics prenaient très au sérieux la situation. Dans l’immédiat, des audits de sécurité ont été lancés pour protéger les bureaux et les domiciles. Par ailleurs, les coordonnées téléphoniques des personnes à risque vont être inscrites sur une base de données spéciale. Les éventuels appels à l’aide seront ainsi traités en urgence. D’autres mesures seraient aussi souhaitables, mais nécessitent des changements de loi.

Lesquelles, par exemple ?

Aujourd’hui, seules les dépenses de protection du dirigeant peuvent être financées par son entreprise, pas celles de sa famille, car c’est considéré comme un abus de bien social. Autre point important : il faudrait pouvoir rendre anonymes les adresses privées des chefs d’entreprises inscrites dans les documents légaux publiés au registre du commerce. Seuls les pouvoirs publics devraient y avoir accès. Le député (Renaissance) Paul Midy a prévu une proposition de loi en ce sens.

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