
C’est désormais un secret de polichinelle : la dette publique de la France a atteint un nouveau record, à 3 416,3 milliards d'euros, soit 115,6% du produit intérieur brut (PIB). Rien que d’avril à juin, elle a augmenté de 70,9 milliards d’euros. C’est sur ce sujet crucial et lié à l’avenir du pays que le patron de Bpifrance a décidé d’écrire. Après un premier essai sur la désindustrialisation de la France, Nicolas Dufourcq s’est donc penché sur la dette publique. Dans son livre La Dette sociale de la France. 1974-2024 (éditions Odile Jacob), qui doit paraître le 15 octobre, il s’est d’abord attaché à cerner d’où venait la dette. «Quand j'ai découvert la réponse, j'ai eu le vertige», explique-t-il dans un entretien accordé au Point.
En effet, sur les presque 3 500 milliards d’euros de dette publique, près de 60% sont liés à la dette sociale, d’où le titre de son ouvrage. Et son constat est accablant : «La dernière fois où le budget de la France a été à l'équilibre, c'était il y a cinquante et un ans.» Il met en évidence une multiplication de facteurs ayant alourdi cette dette sociale, que ce soit les retraites de salariés et fonctionnaires, les régimes spéciaux, les baisses de reste à charge en santé ou encore la multiplication des minima sociaux. Or, avec une «économie qui ne suit plus», la dette s’est creusée.
Retraite de 65 à 60 ans : une «réforme insoutenable»
Nicolas Dufourcq rappelle que la dette «finançait 1% des dépenses sociales en 1980» et que c’est désormais «10% en 2024». Il constate : «Chaque mois, trois jours de transferts sociaux sont financés à crédit.» Déplorant un «double déni» sur le vieillissement de la population et le manque de compétitivité, le bilan aurait dû être fait bien plus tôt : «Mais comment le dire franchement aux Français sans être battu aux élections ?», questionne-t-il. Il ajoute : «Chez nous, les acquis sociaux sont protégés par une sorte de droit sacré de propriété.»
Si plusieurs décisions de présidents ont creusé cette dette depuis cinquante ans, le patron de Bpifrance pointe du doigt le passage de l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, «la rupture la plus dévastatrice», cingle-t-il, laissant penser aux Français «que tout était possible». Et selon lui, on «savait depuis 1982 que cette réforme était insoutenable». Avec 600 000 nouveaux retraités chaque année, il est donc «nécessaire d’augmenter l'âge de départ à la retraite», martèle auprès du Point celui qui a travaillé pour France Télécom et Capgemini.
La taxe Zucman, «de la nitroglycérine pour les entrepreneurs»
D’après lui, «le minimum serait de le passer à 65 ans, avec 45 annuités de cotisations obligatoires pour une pension à taux plein». Evidemment, il sera nécessaire de prendre en compte les métiers pénibles et les carrières longues, mais Nicolas Dufourcq alerte : «Si l'espérance de vie continue d'augmenter, la retraite à 68 ans, peut-être même 70 ans, sera inéluctable.»
Comme il l’avait déjà fait il y a quelques semaines, en parlant de «mesure communiste», le directeur général de la BPI a étrillé la taxe Zucman : «La taxe Zucman est de la nitroglycérine pour les entrepreneurs et n'est absolument pas à la hauteur de l'enjeu.» Ce n’est d’ailleurs, selon lui, qu’une «fausse solution miracle» eu égard aux quelques milliards d’euros qui seraient récoltés alors que le déficit budgétaire atteint 200 milliards d’euros. Cela ferait également «fuir les talents». Il met enfin en garde sur le danger pour notre démocratie de la «progression des radicalités» en même temps que «l’Etat providence (est) dopé à la dette».




















