Le constat est plus qu’alarmant. En 2023, la quasi-totalité des entreprises (97%, contre 83% un an plus tôt) ont déclaré au moins une fois un sinistre affectant un salarié (accident du travail, accident de trajet ou maladie professionnelle), d’après le dernier baromètre annuel* du cabinet d’audit et de conseil BDO, réalisé en partenariat avec OpinionWay et publié jeudi 3 octobre. «Le taux de sinistralité est extrêmement fort», a signalé Xavier Bontoux, avocat associé et directeur général de BDO RH, lors d’une conférence de presse de présentation du baromètre, ce jeudi.

Dans le détail, 69% des entreprises interrogées par OpinionWay et BDO ont déclaré un accident du travail en 2023, 24% une maladie professionnelle et 25% un accident de trajet. Dans le même temps, seules 9% des structures sondées ont été confrontées à un arrêt maladie lié aux risques psychosociaux (stress, burn-out, dépression). C’est sans grande surprise bien moins qu’en 2020, au plus fort de la crise sanitaire, année au titre de laquelle une entreprise sur deux a été confrontée à ce type d’arrêts.

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Un manque criant d’investissement dans la prévention des accidents du travail

Mais la situation globale reste inquiétante. «Notre système est extrêmement sévère, répressif et coûteux pour les entreprises accidentogènes», estime Xavier Bontoux. Comprendre : les employeurs dont la faute est effectivement reconnue en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle peuvent être très lourdement sanctionnés. Les condamnations pour faute inexcusable (lorsque l’employeur a ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et n’a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir) peuvent ainsi «se chiffrer en plusieurs centaines de milliers d’euros, voire dépasser le million d’euros parfois», illustre l’expert, spécialiste du droit social. Or dans les faits, ce système est «inefficace», juge-t-il. Malgré ces lourdes sanctions, «il n’y a pas moins d’accidents du travail et la France occupe toujours la troisième place des pays européens confrontés à ce fléau». Résultat : «Il est toujours aussi risqué de travailler en France aujourd’hui», tranche Xavier Bontoux.

Pourquoi ? Tout simplement car dans le même temps, «la France est l’un des pays qui investit le moins dans la prévention», poursuit-il. Alors qu’il s’agit pourtant d’une obligation pour elles, 6 entreprises interrogées par BDO sur 10 déclarent qu’elles ne disposent pas d’accord de prévention. «La question de l’utilisation de l’excédent de la branche AT/MP (la branche accident du travail-maladie professionnelle de l’Assurance maladie, NDLR) pour réduire la sinistralité doit donc être posée», insiste Xavier Bontoux.

D’après des données de la Confédération des petites et moyennes entreprises reprises par BDO dans son baromètre, cette branche affichait, en effet, un excédent de 1,4 milliard d’euros en 2023. Il serait de 800 millions d’euros cette année. «Cet argent pourrait être investi dans l’achat d’équipements de protection individuels. On pourrait aussi l’utiliser pour financer une école publique de la prévention visant à former les employeurs mais aussi les salariés souhaitant s’engager dans un mandat au sein du comité social et économique de leur entreprise», imagine l’avocat associé et directeur général de BDO RH.

* L’enquête a été menée pour BDO par OpinionWay. Du 10 au 28 juin 2024, un échantillon de 400 entreprises de plus de 50 salariés a été interrogé par entretien téléphonique sur leurs données consolidées pour 2023.