
Coup de pression ou véritable portée juridique ? Plusieurs dizaines d’entreprises françaises ont eu la surprise de recevoir un courrier signé par Stanislas Parmentier, le directeur général des services de l’ambassade des États-Unis à Paris, les invitant à s’aligner sur les nouvelles politiques américaines en matière de discrimination positive.
En janvier dernier, à peine arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump a mis fin dès son premier jour aux programmes promouvant l’égalité des chances au sein de l’Etat fédéral en signant le décret 14173. Depuis, aux États-Unis, la discrimination positive en faveur de la diversité et de la parité homme-femme ne s’applique plus.
Que contient la lettre adressée aux entreprises françaises ?
Le courrier envoyé à certaines sociétés françaises affirme que ce décret «rétablissant les opportunités professionnelles basées sur le mérite», «s’applique également obligatoirement à tous les fournisseurs et prestataires du gouvernement américains, quelle que soit leur nationalité et le pays dans lequel ils opèrent». Ainsi, les grandes entreprises hexagonales qui auraient signé un contrat commercial avec l’Etat américain devraient elles aussi mettre fin aux éventuelles politiques de discrimination positive mises en place.
Un questionnaire accompagne le courrier. Les destinataires doivent répondre à l'administration sous «cinq jours» en renvoyant ce formulaire en anglais. Les entreprises qui refusent de se plier à la demande américaine sont invitées à «bien vouloir nous en donner les raisons en détail que nous ferons remonter à nos services juridiques», peut-on lire dans la missive.
Quelles sont les règles en matière de discrimination positive en France ?
En France, très peu de politiques de discrimination positive sont autorisées. En revanche, certaines dispositions imposent des quotas. Depuis 2021, les entreprises de plus de 1 000 salariés doivent justifier de 30% de femmes cadres dirigeantes. À partir de 2027, elles devront présenter 30% de femmes membres des instances dirigeantes (40% en 2030). D’autres mesures existent en faveur de l’emploi des personnes handicapées.
«Les ingérences américaines dans les politiques d'inclusion des entreprises françaises, comme les menaces de droits de douane injustifiés, sont inacceptables», a réagi le ministère français du Commerce extérieur le 29 mars, après la révélation de l’existence de cette lettre la veille par les journaux Le Figaro et Les Echos. Pour le patron du Medef, Patrick Martin, qui a pris la parole dimanche sur LCI, cette initiative est «inadmissible». «En France, nous avons des règles que nous partageons infiniment sur la mixité, pour l'inclusion des personnes en situation de handicap. Il est hors de question d'y renoncer», a-t-il poursuivi.
Le nouveau décret signé par Trump peut-il s’appliquer en France ?
Pour Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, la démarche américaine est claire : l’administration Trump demande de «renoncer aux politiques d’inclusion qui sont la loi, tout simplement, française et parfois européenne», a-t-il affirmé lundi 31 mars sur RTL. Il s’agit d’«avancées qui correspondent d’abord à nos valeurs françaises», a insisté le ministre qui s’est dit «profondément choqué par ce courrier».
Le droit américain peut-il s’appliquer en France pour les sociétés qui ont signé des gros contrats avec les États-Unis ? «On ne peut pas annuler l’application de nos propres lois», a avancé le ministre dénonçant «un pas de plus dans l’extraterritorialité américaine, mais cette fois-ci sur le champ des valeurs». «Nous allons avoir une discussion avec l'ambassade des États-Unis en France là-dessus parce qu'il nous faut comprendre quelle est vraiment l'intention derrière cette lettre», a poursuivi Laurent Saint-Martin.
Le ministre de l’Economie, Éric Lombard, a quant à lui mis en garde contre «la valeur juridique incertaine» de ce courrier, ajoutant que ses services étaient «en train de regarder». Quant aux «quelques dizaines» de sociétés ayant reçu cette lettre selon Bercy, elles pourront compter sur le gouvernement. «Nous soutiendrons les entreprises dans ces débats», a garanti Éric Lombard. Pour autant, pour l’instant, aucune consigne de réponse n’a été communiquée par le gouvernement. Chaque entreprise concernée pourra décider de répondre ou pas à la demande américaine. «Nous ne sommes pas dans une économie administrée en France», a défendu Laurent Saint-Martin.



















