Il n'a pas fallu s'armer de patience. Souvenez-vous, le 20 mars dernier, le ministre de l'Economie et des Finances, Eric Lombard, annonçait les grandes lignes d'une nouvelle stratégie devant permettre aux Français de financer, via leur épargne, les entreprises du secteur de la défense nationale. Et en à peine quatre mois, ces annonces ont fait des émules : «A partir du 20 mars, on a constaté un virage à 180 degrés, avec, depuis, un engouement croissant pour les fonds d'investissement dédiés à la défense, mais aussi davantage d'événements, de conférences, de colloques sur le sujet. Le monde de l'investissement se réintéresse massivement à la défense», constate Pierre-Elie Frossard, cofondateur de la plateforme SouvTech-Invest.
Signe de ce virage, plusieurs acteurs du monde de la finance se sont mis en ordre de marche pour adapter leur offre et proposer des produits qui permettent désormais aux volontaires d'investir leurs économies dans notre base industrielle et technologique de défense (BITD). Voici, à la mi-année, une revue d'effectifs de ces placements.
De nouveaux fonds d'investissement accessibles en assurance vie
C'était la principale initiative du gouvernement : encourager la création de fonds d'investissement dits de private equity. Le but de ce type de fonds est de collecter l'épargne des particuliers pour investir dans des entreprises non cotées en Bourse, comme le sont la grande majorité de nos 4 500 entreprises (TPE, PME et ETI) du secteur de la défense. Le premier fonds de ce genre à voir le jour sera le fonds Tikehau «Défense et Sécurité», annoncé le 16 juin dernier, et qui sera accessible via les unités de compte (UC) des contrats d’assurance vie et d’épargne retraite de trois assureurs partenaires dès septembre 2025 : Société générale assurances, CNP Assurances et le groupe Carac.
Le deuxième fonds qui devrait voir le jour est celui de Bpifrance, dont la création avait été annoncée à l'occasion de la journée dédiée au financement de la BITD, au ministère de l'Economie. Ce nouveau fonds, baptisé Bpifrance Défense, sera accessible à partir de 500 euros, et ouvert à la souscription en «direct» auprès de Bpifrance. Selon nos informations, il devait voir le jour, lui aussi, en septembre, mais pourrait être retardé de quelques mois, selon un bon connaisseur du secteur.
Investir dans un panier d'entreprises cotées en Bourse
Pour l'investissement dans les entreprises cotées en Bourse cette fois, les épargnants peuvent aussi se tourner vers des ETF concentrés sur le secteur de la défense en Europe, et qui sont apparus ces derniers mois. Parmi eux, on compte par exemple l'ETF WisdomTree Europe Defence, lancé dès le 11 mars 2025, et qui a dépassé, en trois mois d'existence, les 3 milliards de dollars d'actifs sous gestion. A l'intérieur de ce fonds, 20 à 25 grandes entreprises européennes du secteur (Rheinmetall, Leonardo, BAE Systems, Thales, Safran…) dont la performance boursière est répliquée par l'ETF.
Depuis son lancement, ce «tracker» affiche une performance de +24%, avec encore un beau potentiel de hausse, selon Pierre Debru, responsable de la recherche pour l'Europe chez WisdomTree : «On voit une accélération des annonces des gouvernements européens sur la défense, la commission européenne a dit qu'il faudra investir davantage, l'Allemagne a déjà relâché ses contraintes en termes d'endettement, et il y a quelques semaines, le sommet de l'Otan a abouti à une augmentation de 2% à 5% de la part de PIB à consacrer à la défense pour les pays membres.» Autrement dit, les carnets de commande de ces entreprises devraient bien continuer à se remplir dans les années à venir. Parmi les autres ETF lancés récemment sur ce même secteur, on peut citer le fonds Amundi Stoxx Europe Defense (+15,60% depuis sa création), iShares Europe Defence (+4,20%), ou encore BNP Paribas Easy Bloomberg Europe Defense (+7,33%).
Financer des entreprises sélectionnées
Enfin, dernière option sur la table : le financement participatif du secteur de la défense. Une thématique dont la plateforme SouvTech-Invest s'est fait une spécialité : elle sélectionne des entreprises en quête de financement et ayant des débouchés militaires, puis organise une «levée de fonds» auprès des particuliers (à partir de 500 euros). A la différence d'un fonds de private equity ou d'un ETF, une seule entreprise est ainsi financée par projet, «ce qui crée un lien plus direct entre l'investisseur et la société : on connaît le projet, on le suit, et on peut ainsi participer à la croissance de l'entreprise si on y croit», explique Pierre-Elie Frossard.
Le mois dernier, le premier projet de ce type a ainsi été bouclé sur la plateforme : 220 investisseurs ont permis à une entreprise spécialisée dans l’impression 3D céramique - avec des applications notamment dans l’aéronautique, le spatial, et le militaire - de lever 400 000 euros pour accélérer son développement, le tout avec un rendement de cible (TRI) de 30%.
