
L'épargne des Français va bien être appelée sous les drapeaux. Mais sans conscription obligatoire : le ministre de l'Economie et des Finances, Eric Lombard, l'a martelé à l'occasion de la journée consacrée au financement de la Base industrielle et technologique de défense (BITD) ce jeudi 20 mars : «L’enjeu est plutôt de proposer aux épargnants un plus grand nombre d’opportunités d’investissement, répondant à leur besoin, pour que les particuliers qui le souhaitent puisse diriger leur épargne vers nos industries de défense.»
Exit donc l'hypothèse fantaisiste de mobiliser de force l'épargne détenue sur leur Livret A, ou de créer un nouveau livret réglementé dédié au financement de la défense, le ministre de l'Economie comptant recourir «aux produits d'épargne que [les Français] utilisent déjà», à savoir : l'assurance vie, le plan épargne retraite (PER), le plan d’épargne en actions (PEA) et les plans d’épargne salariale (PEE, Pero, Percol). Pour ce faire, le gouvernement compte encourager la création de fonds d'investissement d'un genre particulier, appelés fonds de private equity. Leur but : investir dans des entreprises non cotées en Bourse. Sauf nos 9 champions nationaux (Airbus, Thales, Dassault Aviation…), notre secteur industriel de défense est en effet composé de 4 500 entreprises (TPE, PME et ETI) qui, pour la grande majorité, appartiennent à l'univers du «non coté». Pour se financer, elles peuvent faire appel à des fonds de private equity, qui collectent l'argent des investisseurs pour - entre autres - entrer à leur capital, comme on le ferait en Bourse en achetant les actions d'une société cotée.
Des investisseurs volontaires… ou qui s’ignorent
Pour accéder à ce type de fonds, il faudra donc regarder du côté des unités de compte (UC) de vos différents produits d'épargne long terme. L'investissement dans le non coté est en effet un placement non garanti, qui présente un risque de perte en capital (et généralement noté 6 ou 7 sur 7 sur l'échelle du risque). Vous pourrez prochainement retrouver parmi l'offre d'UC de votre assureur des fonds de private equity dont les lancements ont été annoncés ce jeudi 20 mars. La Banque publique d'investissement (Bpifrance) va par exemple commercialiser un fonds «Bpifrance Défense», «qui va permettre aux Français d'investir à partir de 500 euros dans un fonds de la BPI (...) qui investira lui-même dans des PME et startups de la défense», a détaillé ce jeudi Nicolas Dufourcq, directeur général de la BPI.
Sur le même modèle, Henri Marcoux, directeur général adjoint de Tikehau Capital, a annoncé, lors d'une table ronde au ministère de l'Economie ce jeudi, que ce gestionnaire d'actifs - qui jusqu'ici réservait ces fonds à une clientèle institutionnelle (banques, assureurs) - allait réfléchir «à une unité de compte pour l'assurance vie et les PER, en collaboration avec la Société générale», à destination, donc, des particuliers. Notons toutefois qu'en ce qui concerne Bpifrance, passer par votre assurance vie ou votre PER ne sera même pas obligatoire : il est aussi prévu que vous puissiez investir dans ce nouveau fonds «en direct», c'est-à-dire avec vos liquidités via le site de la BPI.
A priori, le financement de la défense française reposera donc bien sur un contingent d'investisseurs volontaires. Mais en réalité pas seulement. Depuis l'entrée en vigueur de la loi industrie verte, une partie de l'épargne placée en assurance vie et PER est en effet automatiquement fléchée vers des fonds de private equity, pour les épargnants ayant opté pour une gestion pilotée - qui est l'option par défaut en PER. A chaque versement, entre 4 et 15% du montant (selon le profil de risque choisi) est désormais dirigé vers des actifs non cotés, «y compris dans le secteur de la défense», précise le communiqué sur le financement de la BITD. Autrement dit, des fonds de private equity préexistants aux annonces du jour investissent déjà - entre autres - dans des entreprises du secteur de la défense, avec une partie de l'épargne détenue en assurance vie et PER.




















