
Des années de travail d’une grande partie de la filière du logement, des rapports pour convaincre tous azimuts, notamment les ministres du logement successifs : le statut du bailleur privé, selon une expression assez obscure à laquelle on préfèrera le statut de l’investisseur locatif, a donné du fil à retordre avant de voir le jour. Et puis à un moment donné, une conjonction d’astres favorable, avec une ministre, Valérie Létard, désireuse de trouver après quarante ans de défiscalisation une succession intelligente au plan économique, simple et de nature à sceller un contrat entre l’État et les Français prêts à mobiliser leur capacité d’endettement pour loger des ménages tiers. Une ministre du logement, certes, mais aussi un ministre de l’économie sensible au sujet, au nom des besoins des entreprises de pouvoir loger leurs salariés pour se développer ou pour s’établir dans les territoires.
L’alignement des planètes est allé plus loin : dès la fin du mois de juillet, à la faveur d’une réunion au sommet, le Premier ministre arbitre et balaie tiédeurs et objections de toutes sortes. Il enfonce le clou jeudi dernier lors de la Rencontre des entrepreneurs de France organisée par le MEDEF, en affirmant la nécessité de créer un mécanisme d’amortissement universel. On ne peut plus douter que le projet de loi de finances pour 2026 comportera cette mesure. Seulement voilà, le même Premier ministre, qui soutient ce progrès fiscal attendu depuis si longtemps, diagnostique que la France doit réduire drastiquement son déficit, qui la mine et finit par le disqualifier aux yeux des marchés et hypothèque les générations futures; il propose le 10 juillet dernier un plan d’économies de près de 44 milliards qui n’a l’heur de convenir à personne, ni aux citoyens, ni aux partis politiques, à l’exception des sensibilités les plus proches de la sienne. Et encore! Il choisit de tenter le tout pour le tout, de ne pas attendre que le projet de budget traduisant ces économies soit présenté au vote du parlement, et annonce que le 8 septembre il demandera aux députés de voter la confiance faite au gouvernement qu’il dirige. L’arithmétique des voix, au moment où s’écrivent ces lignes, fait planer sur François Bayrou un risque majeur : dans l’hypothèse très probable où la défiance l’emporte sur la confiance, le Premier ministre en sera réduit à présenter la démission de son gouvernement au Président de la République.
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L’amortissement immobilier pourrait faire les frais de la revisite du PLF 2026
La conséquence mécanique? Le projet de loi de finances initiale pour 2026, à l’origine du discrédit politique du Premier ministre, tombera avec lui et une autre copie sera écrite par son successeur, pour espérer un vote avant la fin de l’année. Dès lors, l’amortissement immobilier pourrait faire les frais de la revisite du texte. Peut-il néanmoins échapper à ce sort funeste? Ce n’est pas inimaginable, mais ce n’est pas acquis. Le débat sur les économies, on l’entend chaque jour, n’est pas technique mais idéologique. Les vieux clivages entre les classes sociales ressortent, pour distinguer entre ceux qu’il est normal de faire contribuer à la résorption du déficit public et les autres. On a entendu lors d’un récent débat en Conseil national de l’habitat sur la modification du coefficient d’énergie primaire du DPE des associations reprocher au projet d’amortissement de constituer un cadeau aux bailleurs… Si l’on s’évertue à vouloir idéologiser la mesure et à l’ériger en marqueur, on y parviendra et on l’affaiblira.
Que faire? Il est urgent que les organisations professionnelles du logement, qui ont porté sur les fonts baptismaux ce statut fiscal, s’assurent auprès de tous les groupes politiques qu’ils ne sacrifieront pas l’amortissement au nom d’on ne sait quelle considération politique bien loin de la préoccupation d’abonder le parc locatif privé pour loger les ménages français. Car ce qui est frappant, c’est que le désordre historique qu’un nouveau renversement du gouvernement en place produirait est sous-tendu par des volontés de mettre à bas l’équation politique actuelle, et que l’intérêt de la stabilité socio-économique du pays ne semble pas obséder les esprits des décideurs politiques. Il faut le dire haut et fort: sans cet amortissement pour les logements neufs et existants, la compétitivité des entreprises est compromise, la satisfaction des besoins des Français avec elle, et les promoteurs ne relanceront pas d’opérations de construction sans le socle de réservations que leur donne la demande des ménages investisseurs, leur assurant le minimum de précommercialisation exigée par les banques pour financer un programme. Un beau gâchis, au nom de la volonté de désavouer un Premier ministre.
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Une catastrophe pour le logement
Gageons que ces tourments auxquels les Français ne comprennent pas grand chose, même s’il les provoquent pour beaucoup en refusant des efforts économiques partagés et en donnant matière aux partis et aux syndicats de vouloir bouleverser les équilibres du pays, n’emporteront pas avec eux le statut fiscal de l’investisseur. Ce serait une catastrophe pour le logement de nos compatriotes, leur sérénité, l’aptitude du pays à renouer avec une croissance honorable et l’assurance de rentrées fiscales -de l’ordre de 5 milliards dès la première année- déterminantes pour revigorer la France.



















