
L’institution des trophées professionnels fait sourire. Ces compétitions confraternelles, qui ont toujours existé et finalement inspiré des émissions télévisées à succès dans l’univers de la gastronomie, de la pâtisserie ou du talent artistique, semblent à la fois légères, inutiles et autocentrées. Pourtant, elle est désormais essentielle et les professions concernées, qui les organisent de façon plus ludique que sérieuse, ne le mesurent sans doute pas assez : ces événements constituent des catalyseurs d’innovation et de cette innovation le secteur de l’immobilier et du logement aura de plus en plus un besoin vital.
Il a trop vécu sur la réitération de pratiques perpétrées, qui avaient fait leurs preuves certes, dans d’autres contextes économiques et sociaux, sans imagination ou presque. Bien sûr, le rôle de l’État et des aides fait partie de cette équation de confort, et on mesure que les temps sont à cet égard en train de changer radicalement. Dans le meilleur des cas, l’État va s’employer à alléger les contraintes qu’il fait peser sur les professionnels, de la production aux services, à défaut de pouvoir solvabilité leurs clients ou de les accompagner financièrement en tant qu’entrepreneurs. Un élan de simplification est à attendre et il semble qu’il vienne: dès cette semaine à l’Assemblée nationale reprenant ses travaux, la proposition de loi Huwart de simplification du droit de l’urbanisme et du logement a été définitivement adoptée, qui comporte une quarantaine de mesures précieuses pour accélérer et faciliter l’acte de bâtir.
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Des compétitions majeures, pas seulement aimables
Pour le reste, il va appartenir aux professionnels d’améliorer leurs performances collectives, pour faire baisser les coûts et les prix, aller plus vite et déployer plus de valeur ajoutée. Il va leur appartenir aussi, car dans tous les métiers de la filière des efforts sont déjà déployés dans ce sens, de les valoriser aux yeux des décideurs publics: l’État aura de plus en plus pour mission de booster la créativité des entreprises et de l’accompagner. On a ainsi appris avec soulagement que le CIR (crédit impôt recherche) ne disparaîtrait pas: les fraudes en quantité et la situation des finances de la France l’avait fait redouter, alors que cette aide est un levier puissant pour ceux qui en font bon usage. L’émulation entre acteurs sera dans les temps qui viennent, et sans retour, la principale contribution au marché et aux consommateurs. Aménageurs, promoteurs, constructeurs, gestionnaires, négociateurs, diagnostiqueurs, architectes…doivent mieux que par le passé déployer leur inventivité. Le ronron n’est plus permis.
Pour cela, les Pyramides organisées par la Fédération des promoteurs immobiliers, ou en core le Challenge de l’habitat innovant du Pôle Habitat FFB sont des compétitions majeures, pas seulement aimables. Elles sont encouragées et soutenues par des industriels qui portent eux-mêmes cet élan dans leur propre activité, et qui sont pour beaucoup des fleurons français. On sous-estime les progrès que ces manifestations inconnues du public et de la plupart des responsables politiques ont fait accomplir pour l’évolution des process de construction, la diversification du choix des matériaux, la modernisation de l’ergonomie de l’habitat ou encore l’équipement digital des logements. Cette semaine aura lieu, dans la même veine, la dixième édition des trophées de l’ascenseur, à l’initiative de la Fédération des ascenseurs, rassemblant quelque 190 entreprises, des majors internationaux aux entreprises familiales de grande tradition qui maillent le territoire. Sans distinction de taille, ces opérateurs rivalisent de créativité, technique, architecturale, économique, avec la préoccupation de l’écologie, et nous en profitons sans le savoir.
La compétition peut entraîner une meilleure gestion des entreprises
Nos ascenseurs ne cessent de gagner en fiabilité, en agrément, en esthétique, en sobriété énergétique. Les ascensoristes savent se plier aux contraintes des immeubles existants et rares sont ceux dans lesquels l’installation est impossible. Grâce à cet équipement, le maintien à domicile des personnes à mobilité réduite, que leur handicap soit durable ou provisoire, tels les blessés ou les femmes enceintes, est assuré et notre habitat collectif comme dans les maisons individuelles -grâce aux dispositifs d’élévation domestiques- est inclusif et accueillant. Là encore, l’émulation est à l’origine de beaucoup de ces avancées déterminantes.
La compétition, qui est un ressort efficace de l’amélioration des pratiques, peut aller jusqu’à entraîner une meilleure gestion des entreprises et à les sécuriser. Cette année, le réseau d’agences et de cabinets Imogroup a voulu que sa convention annuelle, Up’immo, qu’il désigne avec ambition comme «l’Université des professionels de l’immobilier » donne en exemple des entreprises du secteur présentant les fondamentaux les plus solides en termes de rentabilité et de croissance notamment. Trop d’acteurs auront disparu à cause de la crise que la filière a traversée et traversée encore pour beaucoup de métiers faute de solidité suffisante. La performance commence avec la résilience de l’appareil de production ou de service, au profit du client final, préservé de tout risque de défaillance.
Les trophées, des ferments de progrès
En somme, les professionnels de la filière vont devoir mettre au cœur de leur logique le progrès tous azimuts, et reprendre le pouvoir. On ne peut se cacher que dans la filière ils ont été excessivement dépendants de l’État et que pour l’État ces habits tutélaires sont devenus trop grands. Il les porte difficilement. C’est exaltant au fond. Une exigence également pour les écoles qui forment aux métiers de l’immobilier: l’état d’esprit de la compétition qui pousse à l’excellence est désormais le bon, à la condition qu’il inspire le dépassement dans la confraternité, c’est-à-dire la conscience que le progrès doit embarquer la communauté professionnelle et non laisser pour compte des acteurs.
Les organisations professionnelles s’en trouvent réévaluées et elles doivent mesurer cette responsabilité. Elles ont en effet en cette matière un rôle majeur à jouer: faire progresser sur tous les sujets les membres des professions qu’elles représentent, plus sans doute que solliciter l’État. Voilà ce que sont devenus ces trophées et ces prix: des ferments de progrès plus puissants que le soutien et l’entraînement publics.



















