Trois mois de retard pour la livraison d’un immeuble neuf, cela n’a rien de rare. Plus de six mois, cela commence en revanche à faire beaucoup… C’est ce que sont dit monsieur et madame G., acquéreurs d’un appartement en vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) au sein d’un immeuble qui devait être livré le 30 mars 2019. Mais la livraison n’est intervenue que le 7 octobre 2019.

A l’origine de ce retard : des intempéries, justifie le promoteur. Et celui-ci de leur rappeler que le contrat de réservation de l’appartement contient une clause selon laquelle le délai de livraison du 30 mars 2019 «était convenu sous réserve de survenance d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de suspension de délai, telle que les intempéries, et que, pour l’appréciation de ces événements, les parties déclarent s’en rapporter à un certificat établi par l’architecte ayant la direction des travaux».

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Une clause abusive ?

Déjà très agacés par le retard de la livraison, monsieur et madame G. s’interrogent sur la partialité de l’architecte du promoteur. Au point d’assigner ce dernier en justice afin d’obtenir réparation des préjudices résultant du retard de livraison de l’immeuble. Pas simple, en effet, de devoir trouver une nouvelle location en attendant la livraison de l’appartement, dans la mesure où les clés de la précédente devaient être rendues pour le 30 mars…

Monsieur et madame G. invoquent le caractère abusif de la clause relative au retard de livraison. «En droit de la consommation, une clause abusive est une disposition qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du professionnel et ceux du consommateur. Cette clause peut être déclarée nulle si elle désavantage de manière excessive l’acheteur», explique le cabinet d’avocats Adonis.

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L’architecte, ni juge ni partie

Mais les juges donnent tort au couple, qui fait appel, en vain. Bien que payé par le promoteur, l’architecte en charge du chantier n’en demeure pas moins «un professionnel qualifié, qui a produit des attestations basées sur des données météorologiques publiques, vérifiables et contestables par M. et Mme G.», rétorque la cour d’appel de Cayenne. Pas découragés, les G. se pourvoient en cassation. Sans plus de succès : dans une décision rendue le 30 avril dernier, la Cour de cassation leur donne tort, considérant, comme la cour d’appel, que l’architecte en charge du programme de construction est un professionnel qualifié.

Pour la Cour, la clause de retard de livraison, «qui n'a ni pour objet, ni pour effet, de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, n'est (donc) pas abusive». «L’architecte n’est pas juge et partie, mais un technicien qui fournit des éléments de preuve. Et, tant que les justifications du retard reposent sur des éléments objectifs et que l’acquéreur peut les contester, la clause est légale», décrypte le cabinet Adonis. Ajoutant que, si le couple G. persiste à juger le retard de livraison injustifié, il peut toujours «demander la communication des certificats produits par l’architecte, vérifier les données météorologiques utilisées et solliciter une contre-expertise».