Propriétaire bailleur d’un logement classé G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), vous comptez entreprendre une rénovation d’ampleur afin de hisser la note à E, au moins. En effet, le jour où vos locataires actuels quitteront l’appartement, vous ne pourrez plus le louer, les biens notés G étant interdits de mise en location depuis le 1er janvier dernier. Mais comment mener de gros travaux de rénovation énergétique avec des locataires en place ? Est-il possible de leur donner congé ?

Vous vous interrogez car le congé est strictement encadré par la loi. L’article 15 de la loi du 6 juillet 1989, qui régit les baux d’habitation, prévoit trois motifs principaux permettant au propriétaire de donner congé au locataire. D’abord, la reprise du logement, pour l’habiter lui-même ou pour y loger un membre de sa famille. Ensuite, la vente du bien, sur lequel le locataire bénéficie au passage d’un droit de préemption par rapport aux autres acquéreurs potentiels. Enfin, «un motif légitime et sérieux», comme des loyers impayés ou des troubles du voisinage. Des travaux constituent-ils un motif légitime et sérieux ?

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Plus de 100 000 euros de travaux

Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux le 6 janvier dernier, et repéré par le cabinet d’avocats Adonis, apporte une réponse à cette question. Le propriétaire d’un immeuble avait adressé un congé à un couple de locataires, pour motif légitime et sérieux, à savoir la réalisation d’importants travaux de rénovation énergétique et acoustique dans l’ensemble de la résidence, ainsi que dans leur logement. Estimant au contraire que ces travaux «ne justifient pas leur départ» car «ils peuvent être effectués dans un court laps de temps», les locataires ont contesté ce congé devant la justice en demandant son annulation.

Las ! Comme le tribunal judiciaire de Bordeaux avant elle, la Cour d’appel a considéré que le congé était parfaitement justifié. «Il ne s’agissait pas d’un chantier ponctuel pouvant se dérouler en quelques jours, mais d’une opération de rénovation de longue haleine (...) portant sur l'ensemble des appartements, nécessitant la dépose de tous les sanitaires, dont les appareils de production d'eau chaude, de tous les radiateurs, entraînant, qui plus est, d'importants travaux de démolition de l'ensemble des revêtements muraux, dont les plâtres, faïences, carrelages et plafonds, avec, ensuite, des travaux de plâtrerie, ponçage, rebouchage et de peinture conséquents», égrène la Cour d’appel, devis de géomètres et autres artisans à l’appui. Lesquels évaluent d’ailleurs le coût des travaux à plus de 100 000 euros !

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Des conditions de congé strictes

Des travaux qui «ne permettent en aucun cas le maintien des locataires dans les lieux, en regard notamment de la poussière, du bruit et des risques pour la sécurité qu'ils généreront, et (qui) nécessitent l'enlèvement de tous les meubles», estime la Cour d’appel. Laquelle a condamné le couple de locataires à payer 3 500 euros à son ancien propriétaire, au titre des frais d’appel. Pour le cabinet Adonis, «cette décision confirme que les bailleurs disposent d’un levier juridique pour reprendre leur logement lorsqu’ils doivent réaliser des travaux de rénovation lourds».

Mais attention, «ce droit n’est pas absolu et il suppose de respecter des conditions strictes», nuancent les avocats. D’une part, «la réalité et l’importance des travaux doivent être démontrées», comme ici, en produisant des devis de professionnels. «Un simple rafraîchissement ou des réparations ponctuelles ne suffisent pas», insiste le cabinet. D’autre part, le propriétaire doit donner congé au locataire «dans les formes légales», c’est-à-dire au moins 6 mois avant la fin du bail, par lettre recommandée avec accusé de réception, acte d’huissier ou remise en main propre contre émargement. Faute de quoi le congé peut être contesté en justice par le locataire et annulé. A noter que le bailleur n’est pas tenu de reloger le locataire pendant les travaux, selon une jurisprudence de la Cour d’appel de Montpellier du 29 octobre 2019.