
Fabienne ne décolère pas. L’appartement dont elles propriétaire, et qu’elle loue, vient d'être classé G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE). Cette note, la plus mauvaise, qui classe son bien parmi les pires passoires thermiques, l’interdit de mise en location. Pourtant, «il n'est pas du tout insalubre ! Il y a des doubles vitrages partout, le plafond et les murs sont isolés et les radiateurs électriques sont modernes. Les factures d'électricité des occupants sont d’ailleurs tout à fait normales», s’indigne Fabienne.
Le diagnostiqueur lui a expliqué pourquoi son appartement a écopé d’une si mauvaise note sur le DPE : c’est le chauffage électrique qui est en cause. «Le calcul actuel du DPE présente une limite importante, en désavantageant l’électricité – pourtant une énergie bas carbone en France – au profit du gaz ou du fioul», reconnaît le Premier ministre, dans un communiqué publié ce mercredi 9 juillet.
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Abaissement du coefficient de conversion de l’électricité
François Bayrou annonce donc «une évolution importante de la méthode de calcul du DPE, qui sera effective au 1er janvier 2026». «Le coefficient de conversion de l’électricité dans le calcul du DPE, actuellement fixé à 2,3 (contre 1 pour le gaz naturel), sera abaissé à 1,9. Cette évolution permettra de corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu’ici les logements chauffés à l’électricité, y compris lorsqu’ils ont fait l’objet de travaux de rénovation», détaille Matignon. Un soulagement pour Fabienne car, «avec ce coefficient de 2,3, la consommation calculée est évidemment élevée avec un chauffage électrique, même moderne !».
Un soulagement plus largement pour l’Unis, organisation regroupant des administrateurs de biens. Fin mars, elle avait interpellé le gouvernement en lui demandant de «réajuster» le coefficient de conversion de l’électricité dans le calcul du DPE, pour «le mettre en cohérence avec ceux des autres énergies». «Il est choquant et à rebours de l’histoire que le DPE affecte l’électricité d’un coefficient qui la pénalise par rapport au gaz, alors même qu’elle constitue sans conteste la solution d’avenir dans la lutte contre le dérèglement climatique», taclait alors sa présidente, Danielle Dubrac. Elle loue ce mercredi «une mesure juste et cohérente avec la réalité du mix énergétique de la France». Une opinion partagée par la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), qui «regrette toutefois que cette disposition ne s’applique qu’à compter du 1er janvier 2026».
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Une décision diversement accueillie
Brice Lalonde, ancien ministre de l'Environnement et président de la société Equilibre des énergies, salue «une décision courageuse et stratégique, qui met fin à une absurdité réglementaire». L'actuelle ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier Runacher, lui a fait écho, «saluant la décision du Premier ministre de faire évoluer le calcul du DPE corriger une inégalité qui défavorise les propriétaires dont le logement est chauffé à l'électricité, par rapport au gaz ou au fioul». L'association de professionnels de la rénovation énergétique Coénove dénonce en revanche «une décision déplorable, sur le fond et sur la forme», qu'elle assimile au «tripatouillage politique d’un outil scientifique pour sortir artificiellement des logements du statut de passoires énergétiques».
Ce changement du mode de calcul du DPE «conduira à sortir du statut de passoire énergétique (étiquettes F et G) environ 850 000 logements principalement chauffés à l’électricité, qui étaient excessivement pénalisés par la méthodologie antérieure», souligne Matignon. Peut-être celui de Fabienne sera-t-il dans le lot, ce qui lui permettrait d’être remis sur le marché de la location. «En reclassant les logements injustement pénalisés, on libère du logement», se félicite d'ailleurs Brice Lalonde. Eric Allouche, directeur exécutif du réseau d'agences immobilières, salue lui aussi «une opportunité bienvenue dans un contexte de forte tension sur l’offre de logements» à louer.
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Un impact limité du futur DPE ?
Mais, selon Hello Watt, société spécialisée dans l'efficacité énergétique, «l’effet concret de la réforme demeurera relativement limité». Sur la base des données de l'Agence de la transition écologique (Ademe), elle estime que, malgré le nouveau mode de calcul, «55% des DPE conserveront exactement la même étiquette» et, que pour ceux dont la note changera, «aucun logement ne gagnera plus d’une classe». La sortie du statut de passoire énergétique «concernera exclusivement des logements aujourd’hui classés F, dont 68% devraient passer en E», ajoute Hello Watt. Pour rappel, les biens notés F seront interdits de mise en location à partir de 2028 et les E, à compter de 2034. Quant aux logements classés G, 60% garderont cette étiquette, d'après Hello Watt. Et le solde de 40% qui remontera en F sera donc interdit de mise en location début 2028.



















