Une banque accepte de financer votre projet d’achat immobilier au taux de 3,20% sur 20 ans et vous faites la moue, déçu de ne pas avoir obtenu 3%, voire un peu moins ? Ne faites pas la fine bouche ! En ce début septembre, «si on a une bonne offre, on y va, c’est le moment !», recommande Aga Bojarska-Serres, directrice générale adjointe du courtier Meilleurtaux. Comme sa consœur, Caroline Arnould, directrice générale de Cafpi, juge que «c’est le bon moment pour sécuriser son taux de crédit si on a un projet d’achat immobilier bien avancé». «Attendre pour espérer décrocher un taux plus bas n’est pas la meilleure stratégie», leur fait écho le courtier Pretto. Attendre, c'est ce qu'on fait au printemps nombre de candidats à l'accession à la propriété en espérant en vain des taux inférieurs à 3% à l'été, observe Thomas Lefebvre, vice-président de SeLoger en charge des data.

Aga Bojarska-Serres justifie ce conseil par une tendance «plutôt haussière» des taux après quatre à cinq mois de stagnation, qui ont mis fin à la baisse intervenue entre fin 2023 et fin 2024. Une augmentation «assez limitée, de 0,10 à 0,15 point en moyenne», nuance la dirigeante. D’où des taux moyens de 3,22% sur 20 ans et de 3,35% sur 25 ans, en ce 1er septembre 2025, précise-t-elle. Sur les cinq barèmes de taux reçus par sa consoeur Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, trois sont stables mais les deux autres affichent des hausses de 0,10 point. «Aucune banque ne les a baissés», souligne-t-elle. Des hausses que l’une de ces deux banques - un grand établissement national - justifie par «un contexte de taux d’intérêt en augmentation, d’instabilité politique, de tension sociale et sur les marchés financiers».

MaPrimeRénov’ : deux types de travaux exclus des aides dès 2026

Des taux qui dépendent des stratégies de chaque banque

Le taux de l’OAT 10 ans, auquel la France emprunte sur les marchés auprès des investisseurs internationaux, est en effet passé au-dessus de 3,5%, à 3,62% ce mardi 2 septembre, depuis l’annonce, fin août, par le Premier ministre, de son intention de solliciter le 8 septembre un vote de confiance auprès des députés, vote qui risque d’être fatal au gouvernement Bayrou. Pour rappel, le taux de l’OAT 10 ans était de 3,20 % en début d’année. Concrètement, cela signifie que les banques empruntent aujourd’hui à environ 3,62% sur les marchés alors qu’elles consentent des crédits immobiliers à 3,22% sur 20 ans. Autrement dit, elles perdent de l’argent ! « Ça ne peut pas rester longtemps comme ça, c’est une ancienne banquière qui vous le dit», prévient Aga Bojarska-Serres. «Les taux restent globalement stables mais ça peut bouger vite, les banques peuvent décider de les remonter car elles ne vont pas prêter à perte», abonde Pascal Courtois, responsable de la relation bancaire chez Artémis Courtage. les taux de crédit semblent bel et bien avoir atteint un plancher et d’autres remontées ne sont pas à exclure dans les prochaines semaines.

Une décision qui reposera également, en cette mi-2025, sur le niveau de réalisation de leurs objectifs annuels de production de crédit : si certaines les ont quasiment remplis, «elles ne vont pas se précipiter pour faire des baisses de taux inutiles», avertit Pascal Courtois. Les banques un peu en retard sur leurs objectifs, ou moins dépendantes du financement sur les marchés, comme les groupes mutualistes, pourraient à l’inverse conserver des politiques de taux offensives pour attirer de nouveaux clients. Sandrine Allonier cite ainsi l’exemple d’une banque mutualiste régionale qui propose un taux de 2,99% aux emprunteurs âgés de moins de 36 ans, pour tous les profils de revenus et toutes les durées de crédit. «Ce n’est pas mal du tout, cela montre qu’elle est fortement en conquête de clients», souligne la porte-parole de Vousfinancer. Et d'ajouter que «l’ensemble des prêts à taux bonifiés proposés par les banques, à des taux entre 0 et 1,99 %, destinés aux primo-accédants ou à ceux qui achètent un bien performant énergétiquement, restent en vigueur jusqu’à la fin de l’année».

Immobilier : à Paris, 1 vendeur sur 5 contraint de brader son appartement

Toujours des décotes importantes pour les beaux profils

Question profils, justement, «les taux négociés demeurent très souvent inférieurs à 3% pour les très beaux dossiers», disposant d’environ 100 000 euros de revenus annuels à deux, indique Caroline Arnould, citant des taux de 2,86% sur 15 ans et de 2,93% sur 20 ans. «Avec un taux de 3% sur 25 ans pour un très beau profil, on doit s’estimer content», complète Pascal Courtois. En revanche, «les emprunteurs les moins aisés, sur le plan des revenus comme sur celui de l’épargne, seront les plus impactés» par les (légères) remontées de taux qui essaiment de ci de là, note Aga Bojarska-Serres. «Nous nous attendons à une légère augmentation des taux d'ici à la fin 2025, dans une fourchette de 3,25% à 3,5% pour des durées de crédit de 20 à 25 ans», indique Thomas Lefebvre, chez SeLoger. Qui rappelle que les Français ont tout de même gagné 7 mètres carrés, soit près d'une pièce, grâce à la baisse des taux survenue depuis septembre 2023, quand ils dépassaient les 4%.