Ils étaient douze sur les rangs. Mais le tribunal de commerce de Bobigny a tranché. La marque de mode Jennyfer, placée en redressement judiciaire en avril, ne va pas disparaître, du moins pas totalement ! Le groupe Beaumanoir, connu pour ses marques Bonobo, Cache Cache, Caroll… reprend 350 salariés et 26 boutiques. De son côté, l'enseigne Celio, qui appartient aux frères Laurent et Marc Grosman, récupère également une partie des employés et sept magasins. Mi 2024, Celio avait racheté le nom de la marque Camaïeu, liquidée en 2022, pour 1,8 million d’euros. La chaîne de prêt-à-porter Pimkie, détenue par Salih Hallassi, avait également déposé une offre pour 47 magasins. Mais selon le tribunal, seules les propositions de Celio et Beaumanoir ont été jugées sérieuses.

Sur les quelque 1 000 salariés de Jennyfer, à peine plus d’un tiers sont sauvés par le Beaumanoir/Celio. Et sur les 300 boutiques ? Seulement 33 sont reprises mais n'arboreront plus le nom de la marque. Tous les magasins du groupe ont définitivement baissé le rideau le 12 juin. On est loin d’un plan de reprise en fanfare…

250 millions d’euros de chiffre d’affaires

Beaumanoir affirme vouloir «relancer la marque Jennyfer» via sa marketplace Sarenza et dans ses points de vente. Avec une clientèle plus jeune, «Jennyfer viendra enrichir le portefeuille du Groupe qui exploite actuellement une vingtaine de marques et lui permettra de se positionner sur un nouveau segment avec une clientèle plus jeune», ajoute Jérôme Drianno, directeur général du groupe. Les 26 magasins repris, pour leur localisation stratégique, seront transformés aux couleurs des marques du groupe. Du côté de Celio, selon les informations que la direction du groupe nous a communiquées, les sept magasins repris vont être convertis en points de vente celio x be camaïeu.

Fondée en 2024 par Gérard Depagniat et David Tordjman, Jennyfer revendique environ 250 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel. Mais derrière ces vitrines fluo qui ont fait la renommée de l’enseigne, c’est un business model malmené depuis des années qui battait de l’aile. «L'explosion des coûts, la baisse du pouvoir d’achat, les mutations du marché textile et une concurrence internationale toujours plus agressive ont rendu son modèle économique intenable», a précisé en avril la direction. En d’autres termes, Jennyfer n’a pas su faire face aux mastodontes de l’ultra fast-fashion qui raflent la mise en un clic comme les plateformes chinoises Shein ou Temu.

Déjà en redressement judiciaire en 2023

Comme de nombreuses autres enseignes de mode, Jennyfer a fait les frais de la crise inflationniste, des tensions sur le pouvoir d’achat des consommateurs et de l’augmentation de ses coûts, notamment les loyers. Placée en redressement judiciaire en juin 2023 et contrainte de supprimer 75 postes sans fermer de magasins, l’enseigne avait tenté un come-back. Un plan de continuation, présenté en août dernier, avait été validé par le tribunal de commerce de Bobigny. Pour se relever, la marque avait annoncé un investissement de 15 millions d’euros et l’arrivée d’un nouvel actionnaire : le groupe franco-chinois Sinoproud. Deux anciens cadres, Yann Pasco et Jean-Charles Gaume, avaient alors pris la direction générale de l’enseigne et investi dans le projet, Sinoproud restant majoritaire. Mais les efforts n’ont pas été suffisants pour faire face à la crise qui ne cesse de faire des victimes dans l’univers de la mode.