
C’est une petite phrase lâchée par le chef de l’Etat qui fait déjà couler beaucoup d’encre. Interrogé hier soir sur TF1 dans le cadre d’un échange rugueux avec la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, Emmanuel Macron a affirmé que le financement du modèle social français «repose beaucoup trop sur le travail». Questionné sur d'éventuelles alternatives, le président a poursuivi : «Il y a la consommation, il y a d'autres choses, ce n'est pas à moi de le préempter, mais je demande au gouvernement d'ouvrir ce chantier.» En clair, même s’il n’a jamais prononcé le nom, le chef de l’Etat a relancé l’idée d’instaurer une TVA sociale, comme le demande le Medef, dans le but d'augmenter le salaire net des Français.
Avec cette proposition, qui revient régulièrement dans le débat public depuis une trentaine d'années, Emmanuel Macron a pour objectif de réduire les cotisations pesant sur les salaires des Français, qui servent notamment à financer les retraites ou la sécurité sociale. Ce manque à gagner serait alors compensé par l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), un impôt sur la consommation payé par tous les Français lorsqu'ils passent à la caisse. «L’objectif est de transférer le coût du modèle social des travailleurs et des entreprises vers le consommateur, explique Philippe Crevel, économiste spécialiste des questions macroéconomiques. L’idée sous- jacente est de minimiser le coût du travail ou d'augmenter les revenus des salariés.»
Augmenter la TVA, une “goutte d’eau”
Précisons que dans les faits, ce mécanisme existe déjà en France. Selon une note publiée par l’économiste François Ecalle, ancien rapporteur général du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, 57 milliards d’euros de recette de TVA étaient déjà affectés en 2023 au financement de la sécurité sociale, pour beaucoup en contrepartie d’allègements de cotisations patronales, sur un total de 205 milliards d’euros. L’idée du président de la République serait donc de continuer dans cette voie en relevant le taux normal de la TVA, actuellement fixé à 20% en France, soit dans la moyenne des autres pays de l’Union européenne. Ce qui pourrait permettre de baisser les cotisations sociales des salariés, et ferait mécaniquement augmenter les salaires nets.
Mais cette fameuse TVA sociale est-elle une alternative crédible pour financer une partie du modèle social français ? Pour Philippe Crevel, la réponse est loin d’être évidente. «Rehausser la TVA d’un point permettrait à l’Etat de récupérer environ 7 milliards d’euros. C’est une goutte d'eau si l’on compare ce chiffre au coût du modèle social qui s’élève à environ 530 milliards d’euros chaque année, prévient l’économiste. L’Etat ne peut pas non plus augmenter la TVA de plusieurs points sous peine de voir la fraude exploser, notamment dans les services où il est plus facile de tricher.»
Les retraités pénalisés
De plus, l'instauration d’une TVA sociale aurait pour inconvénient majeur de faire baisser mécaniquement le pouvoir d'achat des retraités. En effet, ces derniers verraient alors leurs factures augmenter tandis que leurs pensions resteraient stables. Le tout dans un contexte déjà périlleux pour l'exécutif, puisque la désindexation des pensions, et plus encore la suppression de l’abattement fiscal des retraités, sont à l’étude.
Enfin, dernier inconvénient majeur, la TVA sociale pourrait créer une spirale inflationniste, puisqu’elle ferait mécaniquement augmenter le prix des biens de consommation et des services. «L'augmentation des salaires des Français serait alors atténuée par la hausse des prix, ce qui limiterait fortement le gain de pouvoir d'achat», conclut Philippe Crevel.



















