
Le Pass culture, victime collatérale de la traque aux économies ? Généralisé à l’ensemble du territoire français au 1er janvier 2022, le dispositif bénéficie aux jeunes âgés de 15 à 18 ans en mettant à leur disposition des crédits pour acheter des produits culturels : livres, places de théâtre, de spectacle, de cinéma, de concert, billets d’entrée de musée… 80 euros sont alloués aux adolescents âgés de 15 à 17 ans répartis sur trois ans. Les jeunes de 18 ans touchent 300 euros pour un total de 380 euros adressés à tous sans critères d’attribution. Le dispositif remporte un franc succès chez les jeunes qui étaient 84% à s’être inscrits sur l’application Pass culture en septembre 2024.
Pour autant, malgré cette réussite, la Cour des comptes, à l’origine d'un premier bilan du dispositif publié mardi 17 décembre, indique que «les jeunes les moins familiers des pratiques culturelles» restent exclus du mécanisme. Parmi les «jeunes issus des classes populaires (...) seuls 68% ont activé leur Pass». La Cour des comptes observe également une «intensification des pratiques culturelles déjà bien établies chez les jeunes» contribuant à «confirmer le risque d’effet d’aubaine d’utilisation du Pass culture par des jeunes disposant déjà (...) d’un capital culturel plus élevé».
Le Pass culture, un dispositif qui coûte plus de 320 millions d’euros
Par ailleurs, les crédits budgétaires alloués au dispositif croissent année après année de manière «très rapide», statue la Cour des comptes. Ils sont passés de 92 millions d’euros en 2021 à 244 millions d’euros en 2024 (prévisions d'exécution). Le coût grimpe même à 324 millions d’euros en y ajoutant la part collective dédiée à la mise en place de projets par classe au sein des établissements scolaires à compter de la classe de quatrième.
Pour réduire les coûts du dispositif, la Cour préconise la «réduction du montant du crédit alloué aux jeunes âgés de 18 ans». Une baisse du montant octroyé de 300 euros à 200 euros pourrait générer entre 30 et 40 millions d’euros d’économies sur 24 mois estime la Cour. Elle recommande la mise en place de conditions de ressources regrettant que l’universalité du dispositif puisse parfois conduire à des effets d’aubaine. Elle propose aussi le ciblage des bénéficiaires selon des critères sociaux (jeunes boursiers) ou géographiques.
Pass culture : vers un contrôle renforcé pour limiter les coûts ?
La SAS Pass culture (société par actions simplifiées d'intérêt général) occupe «la deuxième place parmi les structures financées par le ministère de la culture après la Bibliothèque nationale de France», précise la Cour. Le modèle de financement de la société repose à plus de 90% sur des fonds publics. «À financement public, gestion publique», a lancé Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes lors de la présentation du rapport. Dans ce document, la Cour affirme que la «gouvernance du Pass culture est à revoir en profondeur». Elle préconise une transformation de la société en opérateur d’Etat afin notamment de permettre au ministère de la Culture de renforcer son pilotage du dispositif, mais aussi de fixer un «plafond d’emplois» au sein de la SAS qui est dotée de 176 équivalents temps plein (ETP) en 2024.
La Cour des comptes souligne également une «absence de contrôle» qui a notamment permis le financement de 16 millions d’euros depuis le lancement du dispositif d’activités d’escape Game. Suite à ce constat, la Cour a demandé le déréférencement de plus de 500 offreurs sur l’application au ministère de la Culture. Rachida Dati, à la tête du portefeuille, a pris connaissance du rapport avant sa publication a affirmé la cour et semble en partager les conclusions qui ne sont données, rappelons-le, qu’à titre indicatif. En octobre dernier, la ministre a évoqué la nécessaire «réforme» du dispositif dans une tribune au Monde proposant entre autres de «moduler les sommes attribuées» aux jeunes sur des critères afin d’en garantir sa «survie».



















