Nouvelle pirouette. Mardi 22 avril, Donald Trump est finalement revenu sur les surtaxes de 145% qu’il a lui-même décidé d'imposer à Pékin début avril. Elles devraient prochainement «baisser de façon substantielle» sans pour autant revenir «à zéro» s’est engagé le président américain. «Nous allons être très gentils, ils vont être très gentils et nous verrons bien ce qui se passe», a ajouté le milliardaire, laissant planer la menace d’arriver vite à «un accord». Jeudi, pourtant, la Chine a réfuté l’existence de négociations avec Washington. «Toute affirmation concernant une avancée dans les discussions sino-américaines relève de la pure spéculation et ne repose sur aucun fait concret», a certifié un porte-parole du ministère chinois du Commerce.

Annoncer une mesure drastique, puis revenir en arrière. Le schéma se répète de semaines en semaines depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier dernier. Le chef d’Etat reste fidèle à son style de négociation décrit 30 ans plus tôt dans l’ouvrage The Art of Deal, devenu un classique outre-Atlantique. Écrit à l’aide de la plume du journaliste Tony Schwartz, qui a depuis regretté publiquement d’avoir été son ghostwriter, le livre s’est vendu à plus de 1 million d’exemplaires depuis sa publication en 1987. Dès les premières lignes, Donald Trump donne le ton : «C'est assez simple et direct. Je vise très haut, et je continue à pousser, pousser et pousser pour obtenir ce que je veux». Un concept qu’il semble avoir précieusement conservé de son activité de magnat de l’immobilier pour l’appliquer à sa fonction de Président des Etats-Unis.

Comment caractériser le style Trump ?

Julien Pélabère, docteur et négociateur professionnel et fondateur de l'Institut NERA, parle de «rapport de force total». Il rapproche les techniques de négociation de Donald Trump du concept de «la fenêtre d’Overton» (du nom d’un lobbyiste et politologue américain). Le président américain tient régulièrement des propos «totalement impensables voire radicaux», comme lorsqu’il avait annoncé début avril vouloir appliquer des droits de douane punitifs extrêmement élevés à l’ensemble des partenaires commerciaux des Etats-Unis. Si l’idée de base est «radicale», à force de la marteler, l’opinion publique finit par l’accepter. Et quand Donald Trump a fini par revenir sur son discours et suspendre pendant trois mois ces surtaxes, tout en imposant tout de même des droits de douane supplémentaires de 10%, ces propos «peuvent être positivement parce qu’ils sont moins extrêmes que la première idée», explique l’expert en négociation.

De façon plus générale, le style Trump se distingue par une «approche extrêmement compétitive». Le président des Etats-Unis est «prêt à abîmer les relations des Etats-Unis avec ses partenaires historiques pour obtenir le maximum», comme avec le Canada, grand allié économique, que le milliardaire a pourtant menacé de transformer en 51e Etat américain. D’ailleurs, «la notion de partenaires n’existe pas pour lui, ce sont plutôt des acteurs qui évoluent autour de lui», explique Julien Pélabère. «Il ne valorise pas les relations parce qu’il ne se retrouve pas dans l'establishment politique, comme il le dit», affirme l’expert. Avant de devenir président des Etats-Unis, Donald Trump était avant tout un businessman. En parallèle, l’expert souligne l’absence d’éthique dans le style de négociation de l’ex-businessman. «Il est capable de diffuser des fake news ou de revenir du tout au tout sur ses propos», indique Julien Pélabère.

Impossible de parler de la méthode Trump sans un mot sur son style de communication. Le président américain oppose toujours «le bien au mal» dans un style très simpliste mais qui «parle à l'Américain moyen, celui qui a voté pour lui». Des propos souvent très spontanés et peu cohérents», ce qui peut parfois faire douter «d’une stratégie de long terme». Donald Trump maîtrise, par ailleurs, l’art du bluff comme personne, grand adepte du «faux sentiment d’urgence» et des «menaces», deux stratégies régulièrement utilisées dans certains secteurs où il est difficile d’y échapper comme la grande distribution ou l’automobile.

Comment négocier avec Donald Trump ?

Mais alors comment réagir face à un président qui fait fi de ses partenaires historiques et de l’éthique ? Première option : «rentrer dans le rapport de force au risque d’une escalade». «Il semble en même temps que Donald Trump apprécie cette forme de résistance, ce côté “cow-boy”, comme il a pu l’observer chez Poutine», ajoute l’expert en négociation. Deuxième possibilité : opter pour le «recours à la justice». Mais difficile dans le cas du président américain de faire appel à la loi étant donné la protection que lui confère son statut. Enfin, dernière possibilité : «tenter de sortir de cette négociation» qui est déséquilibrée puisque par définition, «on parle de négociation lorsque l’interlocuteur peut dire non». Dès lors que ce n’est plus le cas, on bascule dans «la soumission», affirme l’expert. «En regagnant en souveraineté on peut trouver une alternative afin de retrouver la capacité à dire non», explique Julien Pélabère.

Quant à l’efficacité de la méthode Trump, l’expert en négociation doute. «On peut comparer la négociation à un élastique tendu. Si on tire davantage, on ne sait pas s’il va finir par craquer ou pas. Dans le cas du président américain, c’est la même chose», illustre Julien Pélabère. Son style «injecte de la peur et un manque de confiance. Mais pour l’instant, cela n’érode pas sa capacité à négocier». À moyen terme la technique pourrait s’avérer moins efficiente.