
Force Ouvrière et la CGT ont d’ores et déjà claqué la porte du conclave sur la réforme des retraites, tandis que le Medef et la CFDT veulent revoir les modalités de discussion entre partenaires sociaux : l’initiative annoncée en janvier dernier par le Premier ministre François Bayrou semble plutôt mal embarquée. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME, second syndicat représentatif du patronat, derrière le Medef), elle, n’entend pas quitter la table des discussions. Et son tout nouveau président, Amir Reza-Tofighi, compte bien défendre son scénario de réforme, qui passerait notamment par l’introduction d’une dose de retraite par capitalisation, en complément du régime général du privé, et des régimes complémentaires.
Capital : Dans un contexte budgétaire contraint par les efforts de réarmement, est-il raisonnable de maintenir le conclave sur les retraites ?
Amir Reza-Tofighi : Plus que jamais ! Ce conclave reste capital : il permettra de montrer que nous, partenaires sociaux, sommes capables de trouver un compromis. Dans les 20 prochaines années, le système de retraite du privé devrait accumuler 350 milliards de déficit. C’est si gros que ça en devient abstrait, surtout quand en parallèle on entend que l'Union européenne va dépenser 800 milliards pour sa défense. Dans le débat politique, les enjeux de long terme sont trop souvent pris dans des logiques d’opposition, rendant impossible la mise en place de solutions durables. Confions plutôt la gestion aux partenaires sociaux, selon un principe simple : ils devront présenter une projection sur 10 à 15 ans, avec un modèle toujours à l’équilibre, et l’interdiction de faire des déficits. Ce n’est que s’ils se montrent incapables de s’entendre, que l’Etat pourra reprendre la main.
Quelles pistes préconisez-vous, justement, pour revenir à l’équilibre ?
Avant les préconisations, j’alerte sur ce qu’il ne faut surtout pas faire : alourdir les cotisations pèserait sur les employeurs et les salariés, rendant notre marché du travail encore moins attractif, et pénalisant inévitablement l’emploi. A l’inverse, il faudrait accepter, quand cela devient nécessaire, de désindexer les pensions par rapport à l'inflation. C’est une évidence, et c’est ce que fait déjà l’Agirc-Arrco, pour les régimes complémentaires. Il faudrait aussi aligner la CSG des retraités sur celle des actifs, c'est une question d'équité. Certes, il y a des petites pensions. Mais il y a aussi des petits salaires, notamment chez les temps partiels ! Rien n’empêche d’ailleurs de moduler les taux de CSG.
>> Notre service - Comparez les performances des plans d’épargne retraite (PER) grâce à notre simulateurVous souhaitez aussi une dose de capitalisation… comment faire ?
L’idée est de créer un fonds géré par les partenaires sociaux, auquel il deviendrait obligatoire de cotiser. Il suffirait par exemple de travailler une heure de plus par semaine, et que l’employeur, au lieu de payer son salarié, place cette rémunération sur un compte personnel. En faisant fructifier ce salaire différé sur 40 ans, c’est potentiellement deux à trois ans de rémunération qui auront été mis de côté. Selon nos calculs, on peut espérer améliorer sa retraite de 10 à 20%. Ce troisième pilier, en plus des régimes général et complémentaires, est d’autant plus nécessaire qu’à terme, du fait de l’évolution des salaires, le niveau de vie des retraités va décrocher par rapport à celui des actifs. Et la capitalisation remettra de la confiance dans le système, car les salariés sauront qu’ils ne payent pas pour les retraites aujourd'hui, mais pour leur pension de demain. C’est une question d’équité et de sécurité !
Les employeurs devront-ils cotiser à ce système ?
Indirectement oui, car ils devront réussir à absorber cette heure de rémunération, en générant de l’activité supplémentaire. Est-ce qu’un restaurant, par exemple, aura plus de clients si chaque serveur travaille une heure de plus ? Cela n’a rien de sûr.
Abaisser l’âge de départ, c’est une ligne rouge ?
La ligne rouge c’est de ne rien faire ! Cette question de l’âge de départ est susceptible de faire tomber n’importe quel gouvernement… Il faudrait la dépolitiser, pour en faire un sujet technique, autour de l’espérance de vie. L’idée serait de déterminer, pour chaque année d’espérance de vie gagnée, quel doit être le temps passé à la retraite, et le temps passé au travail. Un quart des pays de l’Union européenne a indexé l’âge de départ sur l’espérance de vie. C’est une question de bon sens, pour que le régime de retraite puisse tenir. Nous avions 4 actifs pour financer 1 retraité à l’époque, aujourd’hui 1,7 actif, et demain plus que 1,4 si on ne change rien. Il faut également revoir le dispositif des carrières longues, qui permet de partir de façon anticipée. Aujourd'hui, 40% des cotisants sont en carrière longue, y compris les Polytechniciens, qui sont payés durant leurs études. Ça n'a pas de sens.
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