Le cumul emploi retraite est dans le viseur de la Cour des comptes. Jugé «contradictoire avec les objectifs visant à inciter au report de l’âge de liquidation de la retraite» dans leur rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale présenté lundi 26 mai, ce mécanisme doit être réformé selon les Sages de la rue Cambon. En cause : un dispositif mal encadré et très coûteux, qui profite à beaucoup trop de profils éloignés de sa cible, à savoir «à des professions en tension ou à des retraités modestes qui souhaitent se procurer un complément de revenus».

Créé en 1945 et réformé à de très nombreuses reprises, ce mécanisme permet pour rappel de cumuler retraite et revenus d’activité. Un cumul qui peut être partiel ou total, si l’assuré a liquidé l’ensemble de ses retraites de base et complémentaires avec le nombre de trimestres nécessaires pour l’obtention du taux plein ou qu’il a atteint l’âge d’annulation de la décote (âge du taux plein), fixé à 67 ans. Des conditions bien trop généreuses pour les quelque 710 000 retraités bénéficiant du cumul emploi retraite en 2020.

«De nombreux pays de l’OCDE prévoient un plafonnement des revenus d’activité des retraités avant l’âge d’obtention automatique du taux plein (67 ans en France). La France se singularise par une réglementation plus accommodante», déplore l’institution. Les «cumulards» disposent en effet de ressources très confortables par rapport aux autres retraités, à savoir un montant annuel de pension moyen de 21 577 euros, soit 20% de plus que l’ensemble des retraités (18 384 euros). «Le supplément de revenus apporté par le salaire de cumul était en moyenne de 9 255 euros bruts par an, équivalent à un mi-temps au Smic ou un quart de temps au niveau du salaire moyen», ajoute la Cour. Au total, le revenu net des personnes en cumul emploi retraite atteint ainsi 2 300 euros par mois, contre 2 518 euros pour les actifs, compare-t-elle.

Un dispositif qui profite surtout aux retraités les plus riches

Autre illustration du problème soulevé par le cumul de la retraite et des revenus, selon les Sages, en 2020, environ 10% des bénéficiaires du dispositif âgés de moins de 67 ans profitaient d’une retraite supérieure à la moyenne nationale de 18 000 euros et touchaient dans le même temps des revenus encore plus élevés, pour un total supérieur à 36 000 euros. Plus parlant encore, parmi les 2,5% de salariés en cumul emploi retraite en 2020, «20% d’entre eux avaient 62 ou 63 ans (...). Plus de 15% avaient des revenus salariaux annuels supérieurs à 100 000 euros tout en bénéficiant d’un montant annuel moyen de pension de 61 000 euros, très supérieur à la moyenne (18 000 euros)», souligne la Cour.

Alors que les retraités modestes ne constituent qu’une minorité de bénéficiaires du cumul emploi retraite, la Cour des comptes appelle donc à mettre fin aux effets d’aubaine du système, «en prévoyant l’écrêtement des pensions servies par les régimes de base à hauteur de tout ou partie des revenus d’activité tant que l’assuré n’a pas atteint l’âge d’obtention automatique du taux plein». En d’autres termes, à diminuer la pension servie à hauteur de la totalité des revenus d’activité touchés, ou tout du moins d’une partie. Une réforme qui permettrait selon elle de recentrer le mécanisme sur les retraités à revenus limités et à encourager l’activité au-delà du seul âge légal de départ à la retraite appelé à augmenter dans les prochaines années, «ce qui est plus favorable à l’équilibre des comptes sociaux». Une telle réforme permettrait en effet de dégager près de 400 millions d’économies à terme, selon son chiffrage.

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