Le monde du travail, nouveau terrain de jeu de Hollywood ? Dans Mickey 17, le dernier film de Bong Joon-ho, un «expendable» - employé clonable à l’infini - est envoyé en mission sur une planète glacée. Chaque mort entraîne une nouvelle réincarnation, offrant une métaphore saisissante de la déshumanisation et de l’interchangeabilité des travailleurs. Les séries s’emparent aussi de ces dilemmes. The Office tourne en dérision l’incompétence attachante d’un patron, tandis que Severance pousse la réflexion plus loin : seriez-vous prêt à oublier votre famille, vos souvenirs, en entreprise ? Et ne même pas savoir quel est votre travail lorsque vous êtes chez vous ?

Cette question, nous vous l’avons posée sur les réseaux sociaux*. Résultat surprenant : 52% des sondés se disent prêts à tenter l’expérience. Un chiffre qui traduit, selon Christophe Nguyen, psychologue du travail et président d’Empreinte Humaine, un besoin croissant de compartimenter vie privée et vie professionnelle. Il nuance cependant : «Il est plus aisé de cloisonner son travail vers sa vie privée que l’inverse.» En clair, discuter de ses soucis personnels avec ses collègues est plus naturel que d’aborder ses dossiers de travail en attente ou de ses mails non lus autour d’un repas en famille.

Covid-19 : un tournant dans la porosité entre travail et vie privée

La publication de ce sondage en mars n’est pas anodine. Ce mois de mars marque un triste anniversaire : cinq ans se sont écoulés depuis le premier confinement lié au Covid-19, une crise sanitaire majeure qui a profondément redéfini la frontière entre travail et vie personnelle. «A cette époque, les managers ont dû rentrer dans l'intimité des uns et des autres. Ils ont dû prendre en compte la situation familiale de chacun, la surface dans laquelle les employés vivaient…», détaille Christophe Nguyen.

Si cette crise a permis une meilleure prise en compte des problématiques personnelles dans le cadre professionnel, la France accuse encore un retard en matière d’accompagnement des salariés. «Le Canada, par exemple, fait partie des pays où l’employeur va vraiment accompagner le salarié dans ses difficultés de la vie personnelle. En France, les programmes d’aides psychologiques aux employés, perçus comme étant de l’ordre du privé, prennent plus de temps à se développer. Il est important que les entreprises comprennent que les salariés ne sont pas juste des forces productives», souligne l’expert.

Alors, comment trouver le bon équilibre ? Pour Christophe Nguyen, une séparation totale entre vie pro et vie privée est une illusion. Il est impératif d’avoir «un équilibre des vies», selon le psychologue. Chacune de ces sphères influence l’autre de manière bénéfique. «Une émotion positive va enrichir des compétences dans les deux cercles. Par exemple, si vous êtes en vacances et que vous découvrez, ou apprenez de nouvelles choses, elles peuvent enrichir vos compétences au travail, explique-t-il. A l’inverse un salarié avec un travail qui a du sens, ce sera positif sur sa santé, sur son entourage.» Une séparation trop stricte entre ces deux sphères serait donc contre-productive.

*Sondage réalisé sur LinkedIn avec 760 votants sur une période de trois jours, du 17 au 20 mars 2025.