
«En 2024, le record de nos ventes, c’est-à-dire la pièce qui s’est vendue au prix le plus élevé sur notre site, fût une Nautilus de Patek Philippe en or rose, la référence 5980, un modèle assez récent» souligne Osanna Orlowski, co-fondatrice de Collector Square. Cette merveille de 2022 s’est en effet vendue plus chère que son prix d’origine. D’une part, parce que ce modèle, en général, est produit en très petite quantité. Mais aussi par ce qu’une rumeur, confirmée depuis, circulait : Patek Philippe allait arrêter cette référence en or rose. Comme les sacs des années 1980 de Chanel ou Saint Laurent devenus presque introuvables, ou les fameux Birkin ou Kelly d’Hermès, dont on dit que la maison rationne la production, certaines montres voient leur cote s’envoler. Par leur rareté ou leur histoire mais aussi grâce au charme de la patine, elles se revendent à prix d’or.
Conséquence ? L’industrie horlogère a vu le marché de l’occasion exploser. Si bien que le cabinet de conseil Deloitte prédisait, dans une étude de 2022, qu’il pourrait représenter plus de la moitié du marché des montres neuves d’ici 2030. Un potentiel gigantesque qui n’échappe à personne. Les sites de revente prolifèrent et les marques suivent le mouvement, lançant tour à tour leur programme d’authentification et de certification.
Retrouvez notre diaporama : Des montres de luxe et de collection à portée de mainLe marché de la seconde main se normalise
Watchfinder & Co., une plateforme fondée en 2002 et rachetée par le groupe Richemont, est ainsi accréditée par les grandes manufactures comme Panerai, IWC, Vacheron Constantin ou Cartier, pour pouvoir proposer des garde-temps couplés d’une garantie de deux ans et d’un certificat officiel produit par la marque. Les amateurs de Rolex peuvent aussi s’offrir une montre d’occasion les yeux fermés, grâce au programme Rolex Certified Pre-Owned. Il faut dire que la marque à la couronne fait partie des plus prisées. Et pour cause. «Il y a plus de demande que d’offre. Un modèle neuf à peine acheté prend déjà de la valeur. Cela s’explique par des retards de production, freinée par la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine, et par les difficultés à se procurer les matières premières», pointe Osanna Orlowski. Il faut parfois attendre deux ou trois ans avant de posséder la montre de ses rêves. Avoir sa Rolex à 50 ans, ça s’anticipe.
Toutefois, après s’être emballé, le marché de la seconde main se normalise. L’indice Bloomberg Subdial Watch Index, qui suit les prix des 50 modèles les plus échangés, a baissé de 6% en 2023, atteignant alors son niveau le plus bas depuis 2021. «Ceux qui avaient misé sur les cryptomonnaies se sont tournés vers les montres modernes. N’étant pas connaisseurs, ils ont opté pour des valeurs sûres : Rolex, Audemars Piguet ou Breguet. Aujourd’hui, le prix des montres neuves est retombé. Une Patek Philippe, qui s’achetait 40 000 euros et se revendait 200 000 euros, se cède désormais entre 80 000 et 100 000 euros. Les modèles plus rares et plus anciens suscitent davantage l’intérêt», détaille Romain Réa, expert et précurseur : il a ouvert dès 1994 sa première boutique de garde-temps d’occasion.
Retrouvez notre diaporama - Montres XXS : 9 modèles au style XXL à adopterLes modèles mythiques suscitent un fort engouement
CEO d’Antiquorum, maison de ventes aux enchères de belles montres sur Internet, Romain Réa reste toutefois confiant. Il rappelle que les montres d’avant les années 1980 demeurent de bons placements, grâce aux modes de fabrication de l’époque, moins automatisés. «Et grâce aussi à l’héritage que portent certains modèles, comme le passé sportif de la Rolex Daytona offerte au vainqueur de la course éponyme.»
La cofondatrice de Collector Square évoque de son côté certains modèles mythiques comme les Baignoire, Tank ou Panthère de Cartier ou les marques aux volumes plus petits comme Breguet ou Blancpain, «qui séduisent les nouvelles générations». Influencés par des rappeurs comme Tyler, The Creator, collectionneur de Cartier Crash, ou comme Drake, passionné de Rolex, les jeunes se tournent aisément vers le marché de la seconde main pour s’offrir des néoclassiques, dans la mouvance Old Money, qui consiste à s’emparer des codes de la haute bourgeoisie. «Je ne m’étonne plus de voir un amateur de Cartier âgé de 25 ans… Il y a vingt ans, il avait plutôt 50 ans ! Quoi de plus cool que de porter une montre qui pourrait avoir l’âge de son père ?», s’amuse Romain Réa. Même engouement pour la Reverso de Jaeger-LeCoultre des années 1930, qui, par son anatomie unique, attise la curiosité. De véritables conversation pieces, comme aiment les appeler les historiens. Idem pour les icônes, comme la Royal Oak d’Audemars Piguet ou la Speedmaster d’Omega, qui portent en elles la mythologie de la marque. «Je parle de collection “storytelling” : elle permet de raconter une histoire», ajoute l’expert horloger.
«Le coup de cœur reste le meilleur placement»
Mais quels conseils donner à un acheteur débutant et sur quels points doit-il être vigilant ? «Avant tout, le coup de cœur reste le meilleur placement. Si l’objet vous plaît, vous le vendrez mieux. Pour un premier achat, un modèle sportif mécanique, en acier – plus facile à porter et plus résistant que l’or – est un bon compromis», recommande-t-il. «Il faut s’assurer de l’authenticité de la montre auprès d’un expert, qui va l’ouvrir pour vérifier que le boîtier, le cadran et le mouvement sont d’origine. Et, surtout, il ne faut pas se contenter de l’écrin ou des papiers, qui peuvent être fabriqués ou achetés.»
Et d’un point de vue stratégique et spéculatif ? «Se tourner vers une pièce vintage de plus en plus rare ou se recentrer sur les montres de moins de 10 ans dont il est plus facile de garantir l’authenticité et le bon fonctionnement», préconise la cofondatrice de Collector Square. Mais, au fait, quels sont les avantages de la montre comme objet de spéculation ? «Elle s’achète et se transporte facilement. Elle ne demande pas d’entretien particulier, ni des frais d’assurance ou de stockage démesurés : elle peut être conservée au coffre, contrairement à une voiture ou un bien immobilier», conclut Romain Réa.
Les valeurs sûres de l’expert Romain Réa pour 2025
Tudor

«La Tudor Submariner Marine nationale valait entre 3 000 et 5 000 euros il y a quinze ans. Aujourd’hui, elle avoisine les 35 000 euros et devrait encore prendre de la valeur, notamment la référence 9401, livrée à la Marine jusque dans les années 1980.»
Rolex

«L’Oyster Perpetual Cosmograph Daytona, lancée en 1963, reste un des modèles les plus convoités malgré son prix (à partir de 14 000 euros en boutique), mais il faudra patienter plusieurs années pour la posséder. Vous en serez récompensé puisque vous pourrez tout de suite doubler votre mise.»
Cartier

«Misez sur la Tank. Si c’est un modèle des années 1960 avec mouvement Jaeger puis ETA, c’est encore mieux ! Les modèles remarquables des années 1960 ou 1970 peuvent se trouver autour de 15 000 euros.»
Breguet

«Des années 1950 à 1970, le chronographe Type XX, créé pour les pilotes de chasse de l’armée française, oscille entre 20 000 et 40 000 euros. Cette montre-outil est 100 fois plus rare qu’une Daytona !»
Jaeger Le-Coultre

«L’iconique Reverso des années 1930, avec sa taille mixte, peut se vendre de 20 000 à 30 000 euros. Neuve, on la trouve entre 6 000 et 12 000 euros. Un bon placement.»
Et aussi
Blancpain
«La Fifty Fathoms est prisée car très rare, en raison de petits volumes de production.»
Longines
«Les chronographes des années 1930 à 1970 sont manufacturés. Et parfaits pour un budget modéré.»
Omega
«La Speedmaster a perdu de sa valeur ces dernières années, c’est donc le moment de s’en offrir une avant que sa cote ne remonte. On en trouve des années 1960 entre 5 000 et 8 000 euros. Une montre qui est allée sur la Lune est forcément un placement sûr !»
Romain Réa

Spécialiste de la montre de luxe vintage et new old stock (état neuf issu d’un ancien stock), Romain Réa est à la tête de deux boutiques à Paris, d’un e-shop, www.romainrea.com. Il est aussi CEO d’Antiquorum, maison de ventes aux enchères de garde-temps fondée en 1974.
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