
Cadre dans l’automobile, Armand n’a pas vraiment le profil d’un hors-la-loi. Il pourrait néanmoins le devenir. Propriétaire bailleur d’un appartement de trois pièces en Auvergne-Rhône-Alpes, ce trentenaire n’aura plus le droit de le mettre en location à partir du 1er janvier 2028. «C’est-à-dire demain !», s’affole-t-il. Cette interdiction est prévue par la loi Climat et résilience d’août 2021 pour les logements notés F sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), comme celui d’Armand. Elle est déjà entrée en vigueur le 1er janvier 2025 pour les biens classés G, c’est-à-dire les pires passoires thermiques, et elle frappera les logements E en 2034.
Armand juge ce qualificatif de «passoire thermique» exagéré pour son bien : «cet appartement, je l’ai habité pendant trois ans avant de quitter la région et de le mettre en location, il ne me coûtait pas cher en chauffage !» C’est pourtant la déperdition de chaleur liée à sa situation, au dernier étage de la copropriété, sous un toit plat, qui lui vaut sa mauvaise note sur le DPE, selon le diagnostiqueur. D’après ce dernier, seule une isolation du toit de l’immeuble permettrait de hisser la note de l’appartement d’Armand à D, ce qui le mettrait à l’abri de toute interdiction de mise en location des passoires thermiques.
Décote de passoire thermique
Sauf que «l'audit énergétique de la copropriété fait ressortir un immeuble dont la performance énergétique est bonne, avec des logements majoritairement notés D. Il sera donc très dur de faire voter des travaux d'isolation du toit plat, aucun autre copropriétaire n'y est favorable, d’autant que la majorité d’entre eux sont des propriétaires occupants et non des bailleurs», se désole le jeune homme.
Le diagnostiqueur lui a suggéré une autre solution : une isolation thermique par l’intérieur. Tout en reconnaissant que cela ne suffirait peut-être pas pour porter la note du DPE à D. «Et puis, si j’isole avec une épaisseur de 20 à 40 centimètres, cela va me faire perdre des mètres carrés, ce qui dévalorisera encore plus mon appartement, qui subit déjà une décote de passoire thermique par rapport aux logements mieux notés», soupire Armand.
10 dossiers de candidats à la location reçus en 24 heures
Mais le jeune cadre n’a pas le choix. Pour acheter un nouvel appartement dans la région où il s’est installé, il doit vendre le premier ou continuer de le louer afin que le loyer perçu finance la mensualité du crédit qu’il n’a pas fini de rembourser. Un loyer qu’Armand n’a, au passage, plus le droit d’augmenter depuis le 24 août 2022, en vertu, toujours, de la loi Climat et résilience. «Je suis dans une impasse. Mon appartement est fortement dévalorisé à la vente et je suis dépendant de travaux illusoires pour continuer de le louer à partir de 2028», résume-t-il. Refusant de brader son bien, il «envisage de le louer illégalement après le 1er janvier 2028». «J’aurais tort de me priver : lors du dernier changement de locataire, j’ai reçu dix dossiers de candidature en 24 heures. Les gens seront trop contents d’avoir trouvé un appartement pour m’assigner en justice au motif que je loue une passoire thermique », conclut-il, amer.
Seul motif d’espoir : la sénatrice Amel Gacquerre vient de déposer une proposition de loi reprenant celle des députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz, qui prévoyait pour les logements en copropriété des dérogations au calendrier d’interdiction de mise en location des passoires thermiques, notamment en cas d’opposition des copropriétaires à des travaux. Un texte que ses auteurs ont échoué à faire adopter par l’Assemblée nationale il y a quelques semaines. Peut-être la proposition de loi sénatoriale aura-t-elle plus de succès au Parlement.




















