C’est du jamais vu depuis au moins 15 ans : ce mardi 9 septembre, la France emprunte (un peu) plus cher que l’Italie sur les marchés financiers. Le rendement de l’OAT (obligation assimilable du Trésor) à 10 ans, c’est-à-dire le taux auquel les grands investisseurs internationaux acceptent de prêter au pays, s’élève à 3,48%, contre 3,47% pour celui de l’Italie, jusqu’alors considérée comme l’un des plus mauvais élèves européens en matière de dette publique. La conséquence de la chute du gouvernement Bayrou, qui amène les marchés financiers à juger la dette de la France plus risquée qu’avant.

Vous pensez que cela ne vous concerne que de loin ? Si vous projetez un achat immobilier, détrompez-vous. «La hausse des taux longs sur les marchés risque de se répercuter sur les taux de crédit bancaires et de bloquer à nouveau le marché immobilier», s’inquiète Elodie Frémont, porte-parole des notaires du Grand Paris, lors d’un point de conjoncture trimestriel, ce mardi. L’évolution du rendement de l’OAT à 10 ans est en effet l’un des principaux indicateurs examinés par les banques, qui se financent en partie sur les marchés financiers, pour fixer leurs taux de crédit immobilier. Des taux qui étaient compris entre 3,05% et 3,45% début septembre, selon les durées de crédit.

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Des taux à 3,40% en 2026 ?

Si les banques les maintiennent à ces niveaux, alors qu’elles empruntent désormais sur les marchés à 3,48%, elles perdront de l’argent. «Ça ne peut pas rester longtemps comme ça et c’est une ancienne banquière qui vous le dit», prévient Aga Bojarska-Serres, directrice générale adjointe du courtier Meilleurtaux. Certaines banques ont d’ailleurs déjà augmenté leurs taux fin août, dans le sillage d’une OAT à 10 ans qui avait bondi après que François Bayrou a annoncé son intention de solliciter un vote de confiance des députés. «Nous nous attendons à une légère augmentation des taux d'ici à la fin 2025, dans une fourchette de 3,25% à 3,5% pour des durées de crédit de 20 à 25 ans», pronostique Thomas Lefebvre, vice-président de SeLoger en charge des données. Pour 2026, l’observatoire Crédit logement table sur des taux à 3,40% en moyenne, toutes durées confondues.

Certes, après le choc de la dissolution de l’Assemblée nationale, il y a un peu plus d’un an, la remontée du taux de l’OAT à 10 ans «n’avait pas eu d’impact sur les taux de crédit immobilier», rappelle Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer. «Mais le contexte est aujourd’hui bien différent», nuance-t-elle aussitôt. D’abord parce qu’en juin 2024, la Banque centrale européenne (BCE), auprès de laquelle les banques se refinancent également, venait de baisser ses taux pour la première fois depuis longtemps. Après huit baisses de taux en un an et une inflation jugulée, il est probable que la BCE les laisse stables lors de sa réunion de ce jeudi 11 septembre, comme en juillet.

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Des banques qui ont rempli leurs objectifs annuels

Ensuite, en juin 2024, après deux ans d’une crise immobilière provoquée par la flambée des taux de crédit, «l’objectif des banques était de prêter à des taux attractifs» afin de regagner des parts de marché sur ce produit d’appel qu’est le crédit à l’habitat, rappelle Sandrine Allonier. La donne est très différente aujourd’hui car le montant des nouveaux crédits immobiliers accordés en juillet, au plus haut depuis début 2023, laisse penser que la plupart des banques ont déjà rempli leurs objectifs annuels de production. Inutile, donc, pour elles, de baisser leurs taux pour attirer de nouveaux emprunteurs…