Tour de France 2024 : dans la roue des coureurs Cofidis
En cette fin de mois de mai à Tignes, tandis que la neige fond à vue d’œil, les skieurs ont déserté les pistes. Et si la nature reprend ses droits, la station savoyarde, elle, s’est vidée de ses habitants, comme une ville fantôme. A ceci près que, sur ses sommets, une poignée de cyclistes professionnels arpente les routes des cols, que des déneigeuses s’activent pour rouvrir. Pour les coureurs, ce terrain d’altitude est en effet idéal pour préparer le grand rendez-vous de leur saison: le Tour de France.
Réunie autour de son leader, le grimpeur Guillaume Martin (31 ans, dixième du Tour 2023), et du sprinteur Bryan Coquard (32 ans, 50 victoires en pro), l’équipe Cofidis profite ici d’un confortable chalet de trois étages, avec vue imprenable sur le lac, consoles de jeux vidéo et TV branchées sur les courses du moment.
Véritable auberge espagnole, le lieu voit aussi s’affairer un diététicien néerlandais, une cheffe anglaise, un masseur portugais, le tout chapeauté par le directeur de la performance, Samuel Bellenoue (44 ans), aux yeux rivés sur les données de santé des coureurs. «Nous monitorons leur fréquence cardiaque et leur saturation en oxygène, même pendant leur sommeil, afin de mesurer les effets de l’altitude. Et je détermine des exercices précis pour leurs journées, afin de les faire travailler autour de leur seuil d’effort maximal», détaille cet ancien triathlète devenu entraîneur.
En course, ils brûlent jusqu’à 9 000 calories par jour
Pour espérer décrocher une victoire d’étape sur le Tour, objectif majeur de la saison, la préparation se doit d’être intense. «C’est une période que l’on aime bien, même si on travaille dur», confirme Guillaume Martin, à la descente de son vélo, après cinq heures en selle et 144 kilomètres parcourus. «Le public ne réalise pas l’engagement physique et personnel que ce sport exige. Nous partons des semaines entières loin de notre maison, de notre famille, et on s’entraîne tous les jours», complète Bryan Coquard, ambianceur en chef du groupe.
Si ce stage œuvre à la cohésion de groupe, il permet surtout de tester les stratégies de course, ainsi que le matériel et ses réglages. Dans un sport où la victoire se joue souvent à quelques centimètres, chaque détail compte. «Nous travaillons sur tous les petits gains marginaux, notamment côté alimentation», indique Mathias Fluit, le diététicien de 34 ans qui surveille sur son ordinateur la dépense énergétique des coureurs. Pour soutenir les efforts en course, qui leur font brûler jusqu’à 9 000 calories par jour, soit quatre fois plus qu’un travailleur sédentaire, ces cyclistes peuvent ingurgiter de 90 à 120 grammes de sucre par heure. D’ailleurs, avant de s’attabler, chaque coureur pèse, au gramme près, son assiette sur une balance.
Trois semaines d’effort à 2 100 mètres d’altitude pour se préparer
Les vélos, bien sûr, font aussi l’objet de toutes les attentions. «Le matériel est de plus en plus performant. Sur 3 kilomètres, on peut gagner une dizaine de secondes, avec la même force déployée, juste en changeant le type de roue», détaille Sylvain Boullin, le mécanicien qui monte justement une paire de pneus inédite, sans chambre à air (tubeless), sur le vélo d’un coureur. Sur ces engins d’à peine 7,2 kilos, mais valant 13 000 euros, les vitesses se passent désormais presque en automatique, un peu comme sur une voiture, et les freins à disques hydrauliques ont remplacé les patins. Mais si le rythme de ces innovations techniques ne fléchit pas, c’est aussi sous la pression des fabricants : l’industrie du cycle se doit de sans cesse renouveler son marché, évalué à 3,5 milliards d’euros par an.
L’équipementier Look, référence du cyclisme sur piste, contribue d’ailleurs à hauteur de 1,5 million d’euros – sans compter le prêt de matériel – aux 19 millions de budget total de la structure. Une somme qui fait de lui le deuxième sponsor de l’équipe, juste derrière Cofidis. La filiale de crédit à la consommation du Crédit mutuel accompagne d’ailleurs la structure depuis 1996, ce qui a permis à l’équipe d’être la plus ancienne de toutes celles prenant le départ du Tour.
L’écurie, pilotée par le Nordiste et ancien maillot jaune Cédric Vasseur, espère désormais conjurer le mauvais sort (une seule victoire cette saison sur le Tour d'Italie), après un Tour de France 2023 marqué par deux victoires d’étape. Mais, après trois semaines d’effort et de nuits à 2100 mètres d’altitude, durant lesquelles leurs corps ont fait le plein de globules rouges, les coureurs veulent croire en leur bonne étoile, et s’imaginent déjà lever les bras, en vainqueur, cet été, sur les routes du Tour de France.
Les 3 chiffres à retenir:
- 19 millions d’euros, budget annuel de l’équipe
- 1 million d’euros, salaire annuel du leader, le grimpeur Guillaume Martin
- 13 000 euros, prix du vélo Look utilisé par les coureurs
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