
Vous rêvez de faire fortune dans la tech ? Suivez donc l’exemple de Mira Murati, ingénieure américaine et fondatrice de Thinking Machines. Invitez une poignée d’investisseurs aux poches bien remplies, récitez-leur votre pitch et surtout, faites court : «Nous sommes en train de bâtir une entreprise d’intelligence artificielle (IA), avec les meilleurs de cette discipline. Je n’en dirai pas plus.» Cela devrait suffire. En juillet, soit moins de six mois après avoir créé sa start-up, et sans même avoir engrangé un «cent» de chiffre d’affaires, cette présentation lui avait valu de lever deux milliards de dollars. Murati n’est certes pas la première venue, elle a participé au développement de ChatGPT. Mais cette anecdote illustre une pratique très en vogue dans les cénacles bouillonnants de l’IA. «Bonnes ou mauvaises, toutes les idées sont financées, les investisseurs peinent à faire la différence, déplorait récemment Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. Nous sommes dans une sorte de bulle.»
Promesses exagérées
Mais si l’IA excite les investisseurs, elle déçoit encore les utilisateurs. «L’écart entre les promesses exagérées des fournisseurs et la valeur apportée aux entreprises se creuse», résume le cabinet Forrester. «95% des projets déployés en entreprise n’offrent pas de retour sur investissement mesurable», conclut une récente étude du MIT, corroborée par une autre du BCG. Même la génération automatique de code informatique, censée faire gagner un temps fou aux développeurs, leur en fait perdre tout compte fait, révèle une étude du cabinet METR (Model Evaluation and Transparency Research). «La déception engendrée sur le plan des revenus et des gains de productivité pourrait entraîner une brutale réévaluation des valeurs technologiques, cela pourrait même avoir des implications plus larges pour la stabilité macro-financière», redoute même le FMI, évoquant, lui aussi, une bulle.
Une étincelle pourrait finir par la faire exploser. Comme ces montants pharaoniques engloutis par les champions du secteur dans des centres de données équipés de serveurs et de puces dernier cri, par ailleurs très voraces en électricité. Cette puissance de calcul leur est certes indispensable, mais elle est très coûteuse car elle nécessite des processeurs hors de prix. Cela profite d’abord à Nvidia, roi californien des semi-conducteurs qui a dépassé fin octobre les 5 000 milliards de dollars de capitalisation boursière – soit près de 2 000 milliards de plus que le PIB de la France. Cette frénésie de data centers, dont la construction surpasse désormais celle de bureaux aux Etats-Unis, est aussi du pain bénit pour Donald Trump. Elle aurait même sauvé son pays de la récession en 2025, d’après la Deutsche Bank.
Le pari à 1 400 milliards de dollars d'OpenAI
Mais les revenus engendrés sont encore loin de couvrir les dépenses. Las, leur quête d’une IA plus pointue oblige les géants de la discipline à dépenser toujours plus. Google, Meta et Microsoft, qui y ont déjà consacré 250 milliards de dollars à eux trois cette année – soit l’équivalent de leurs profits cumulés l’an dernier – déploieront encore plus de data centers en 2026. Mais ce sont surtout les ambitions phénoménales de la locomotive OpenAI qui interrogent. «Son patron, Sam Altman, s’engage à investir 1 400 milliards de dollars d’ici 2030, confie Wesley Lebeau, responsable adjoint Actions thématiques chez le gestionnaire d'actifs CPRAM. C’est énorme. Et comme il ne donne pas de détails sur sa stratégie, cela crée une incertitude.» C’est vrai que c’est une sacrée somme, surtout pour une entreprise qui s’attend déjà à perdre 27 milliards de dollars cette année…
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