Intelligence artificielle : Google contre Microsoft, les dessous d'un duel au sommet

Une cyberloterie: dans sa lutte contre la firme de Mountain View pour s’imposer sur le terrain de l’IA, qui l’a vu intégrer les services conçus par son allié OpenAI, le boss de Microsoft n’en est pas à une provocation près. «Avec notre innovation, Google voudra sortir et montrer qu’il sait danser», avait-il ainsi fanfaronné en dévoilant la nouvelle version de Bing Copilot, en février 2023.

Microsoft-OpenAI, un deal à 13 milliards de dollars

De fait, quelques semaines plus tôt, le manitou de Google, Sundar Pichai, avait sommé ses ingénieurs d’accélérer la cadence face à la menace ChatGPT, le robot conversationnel lancé par le patron d’OpenAI, Sam Altman. Et peu importe qu’un tel projet expose le groupe à un cruel dilemme: pousser une IA capable de répondre directement aux questions d’un internaute, n’est-ce pas en effet ringardiser sa vache à lait Google Search, aux réponses basées sur une liste de liens?

Cette course à l’IA, Google l’avait pourtant longtemps menée. Dès 2017, la multinationale avait dévoilé son propre cerveau artificiel, capable de converser avec les humains. Alors même que, un an plus tôt, Microsoft avait rapidement dû débrancher le sien, baptisé Tay, qui déraillait trop. Mais le rapprochement du créateur de Windows avec OpenAI, à partir de 2019, a changé la donne. Contre un investissement évalué à 13 milliards de dollars, Satya Nadella obtient alors de ponctionner une partie des bénéfices de la start-up, de devenir son fournisseur exclusif de services cloud et, surtout, d’exploiter ses modèles d’IA sous la marque Copilot.

Google acquiert les technologies de CharacterAI pour 2,7 milliards

Depuis mars 2023, sa suite bureautique intègre ainsi un assistant qui résume les textes dans Word, crée des présentations PowerPoint ou génère des formules complexes dans Excel. La riposte de Google arrive fin 2023, avec Gemini. Développée en interne, cette IA a été intégrée à ses smartphones ou à sa suite bureautique Workspace. Depuis juin, elle permet même à son moteur de recherche de fournir des réponses plus précises via sa fonction AI Overviews (encore indisponible en Europe).

En parallèle, les deux titans se disputent les meilleurs experts. En mars, Satya Nadella a ainsi débauché Mustafa Suleyman, un des cofondateurs du laboratoire DeepMind… que Google avait racheté en 2014. Microsoft a déboursé 650 millions de dollars pour s’offrir les services de cette sommité britannique du secteur, propulsée patron de la division grand public Microsoft AI, ainsi que d’une bonne partie du staff d’Inflection AI, la start-up de pointe qu’il dirigeait. Cet été, c’est le boss de Google qui a décidé de casser sa tirelire, à hauteur de 2,7 milliards de dollars, pour racheter les technologies de Character AI et ramener au bercail le fondateur de cette jeune pousse, Noam Shazeer, expert reconnu en IA et ex-Googler des premières heures.

Leurs dépenses énergétiques explosent

Pour satisfaire leurs modèles toujours plus voraces en données, ces géants dépensent aussi sans compter en infrastructures informatiques: plus de 30 milliards de dollars, à eux deux, rien qu’au dernier trimestre! Las… Les GPU (processeurs graphiques) de Nvidia, leur fournisseur commun, chauffent dix fois plus que des puces traditionnelles. Et les obligent désormais à se préoccuper aussi de leur approvisionnement en électricité. A l’image de Google, qui a fait appel à Kairos Power, une start-up qui produit de petits réacteurs nucléaires, pour alimenter ses serveurs. Face à des dépenses aussi considérables, ces géants s’emploient à démontrer que leurs solutions génèrent assez de gains de productivité. «Grâce à Copilot, les salariés gagnent 27 minutes par jour», clame ainsi Microsoft. «Avec Gemini, c’est 105 minutes par semaine», riposte de son côté Google... Suffisant pour changer le monde?