
Invisible, instantané et presque banal : le paiement fait partie de ces gestes que l’on effectue sans plus y penser. Pourtant, derrière chaque transaction se jouent désormais des questions centrales de souveraineté, de cybersécurité et de confiance. C’est pour décrypter cette mutation que le podcast FactTech, réalisé avec le soutien de Capital, consacre l’un de ses épisodes à ce sujet devenu incontournable. À cette occasion, Fabien Aufrechter, vice-président stratégie et innovation de Vivendi, recevait Barbara Sessa, directrice générale France de Mastercard. Une conversation dense, qui révèle comment une infrastructure technique s’est transformée en véritable colonne vertébrale de nos vies numériques.
Mastercard, une entreprise très technologique
Dès les premières minutes, Barbara Sessa pose le cadre : Mastercard n’est plus simplement un réseau de paiement, mais une entreprise technologique à part entière, active dans 210 pays et investissant plus d’un milliard et demi de dollars par an en recherche et développement. Le sans-contact, la biométrie, les paiements mobiles ou la tokenisation ne sont plus des promesses futuristes mais des standards déjà déployés. « Le paiement est devenu une expérience », explique-t-elle. Une expérience fluide, personnalisée, enrichie par les données et les services que Mastercard développe depuis des années pour dépasser la simple utilisation d’une carte.
Au cœur de cette transformation, un mot revient sans cesse : la confiance. Confiance dans les acteurs, dans les technologies, dans la protection des données et dans la résistance aux cyberattaques. Mastercard a fait de cette dimension son principal axe stratégique, notamment en renforçant ses capacités en cybersécurité et en intelligence artificielle. L’entreprise a par exemple acquis Recorded Future, un acteur majeur de la « threat intelligence », afin d’anticiper et de contrer des attaques devenues de plus en plus sophistiquées, souvent elles-mêmes boostées par l’IA. Une évolution logique pour une entreprise qui utilise des algorithmes prédictifs depuis des décennies pour lutter contre la fraude.
La biométrie, souvent perçue comme une technologie sensible, est également l’objet d’une attention particulière. Pour Barbara Sessa, il s’agit aujourd’hui de la méthode la plus sûre pour authentifier une transaction. « Quand vous utilisez Apple Pay ou Google Pay, vous utilisez déjà la biométrie, et vous faites confiance », rappelle-t-elle, estimant que la clé réside dans la pédagogie, l’éthique et la transparence. Mastercard dispose d’ailleurs de comités dédiés à l’éthique technologique afin de s’assurer que chaque innovation répond à un usage réel et respecte un cadre strict de protection des données.
L’innovation au cœur
L’innovation, justement, ne se limite pas aux technologies de paiement. Le rôle de Mastercard évolue également au sein de l’écosystème financier. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la société travaille main dans la main avec les fintechs françaises, qu’il s’agisse de Nickel, Qonto ou Green-Got. Pour elles, Mastercard n’est pas un concurrent mais un partenaire stratégique qui les aide à grandir, à se structurer et à s’internationaliser. Même logique avec les géants du numérique : « Quand vous payez avec Apple Pay, vous payez aussi avec la carte dans votre wallet », rappelle-t-elle, soulignant la complémentarité entre les acteurs.
Un autre terrain, souvent moins visible, mobilise fortement Mastercard : celui des petites et moyennes entreprises. Le groupe accompagne leur digitalisation, leur capacité à accepter et émettre des paiements dématérialisés, mais aussi leur gestion de trésorerie ou leurs besoins en solutions financières intégrées. « Sans vitrine digitale, une PME n’existe plus », résume Barbara Sessa, qui voit dans cet accompagnement un véritable levier de compétitivité pour l’économie française.
Un acteur engagé
La question environnementale occupe également une place importante. Mastercard s’est engagée à atteindre zéro émission nette avant 2040 et applique systématiquement les standards européens, notamment le RGPD, jusqu’aux pays où ils ne sont pas obligatoires. L’entreprise cherche aussi à sensibiliser les consommateurs à leur propre impact environnemental, notamment grâce à un calculateur carbone intégré aux transactions, permettant à chacun de visualiser — et de comprendre — l’empreinte carbone de ses achats. L’objectif n’est pas d’imposer des comportements, mais de donner les outils pour faire des choix plus éclairés.
Enfin, un autre enjeu fondamental structure la culture du groupe : celui de la diversité. Mastercard applique l’égalité salariale réelle, offre seize semaines de congé parental à tous ses salariés et promeut une culture profondément inclusive. Pour Barbara Sessa, la diversité n’est pas seulement une exigence morale, mais un moteur d’innovation : « Si vous avez les mêmes profils autour de la table, vous obtiendrez les mêmes résultats. Une seule voix différente peut changer la discussion. »
Interrogée sur les conseils qu’elle donnerait à une jeune femme attirée par la tech ou la finance, elle résume en deux mots : curiosité et audace. Tester les technologies, oser s’engager, ne pas se fixer de limites. Un message simple, mais qui résume parfaitement la philosophie d’une entreprise qui place l’innovation — et la confiance — au cœur de son identité.
Cet épisode de FactTech rappelle une évidence trop souvent oubliée : le paiement n’est plus un simple geste. Il est devenu un enjeu stratégique, économique, technologique et politique. Un pilier discret de notre souveraineté numérique. Et sans doute l’une des clés pour comprendre le monde qui vient.


















