
Longtemps transmis de main en main, dans les coulisses des tournages ou par compagnonnage, le savoir-faire du cascadeur se structure aujourd’hui autour de formations certifiantes. A Lomme, dans les Hauts-de-France, le Campus Univers Cascades (CUC) forme chaque année des dizaines d’aspirants professionnels aux techniques du cinéma d’action. «On a un programme qui est axé sur une quinzaine d’activités, explique Lucas Dollfus, fondateur du campus. Ce n’est pas forcément facile pour nos élèves d’assimiler autant de techniques, mais on doit être exigeant : le marché du travail le nécessite.» Chutes, combats, maniement d’armes, parkour (discipline consistant à franchir des obstacles en milieu urbain ou naturel), cascades en voiture… Les journées de formation s’enchaînent à un rythme soutenu, mais toujours avec la sécurité en priorité. Pour Alexandra Boisseau, en pleine formation, le plus dur n’est pas le cardio, mais le mental. «Les chutes, c’est ce que je redoutais le plus. J’avais peur de me casser quelque chose. Mais en réalité, tout est codifié : on apprend à tomber, à se protéger.»
Une formation reconnue… et coûteuseLa réputation de ces écoles françaises dépasse désormais largement les frontières de l’Hexagone. En l’espace de trois ans, le nombre de formations à la cascade a presque triplé, selon les chiffres de l’Afdas (Opérateur de compétences), avec une hausse de 180% des bénéficiaires entre 2020 et 2023. Certains candidats patientent plusieurs mois pour obtenir une simple place en stage découverte. Mais pas question pour Lucas Dollfus de faire de son école une usine à cascadeurs : «Je pourrais avoir 300 élèves, mais ce n’est pas mon but. On veut des petits groupes, bien encadrés, avec des gens motivés, humbles, capables de bosser en équipe. Cascadeur, c’est aussi un état d’esprit.»
Le premier stage d’initiation au CUC dure 12 jours et coûte 1 600 euros, hébergement compris. Pour suivre le cursus complet étalé sur deux ans et ses 720 heures de formation, il faut ajouter environ 5 500 euros, pour un total de 7 000 euros. Une somme importante, mais qui peut être partiellement prise en charge, notamment par des dispositifs comme les POEC (préparations opérationnelles à l’emploi collectives) pour les demandeurs d’emploi ou les intermittents. «Moi j’ai eu de la chance, explique Alexandra. Comme j’étais déjà intermittente, j’ai pu bénéficier d’un financement partiel. Ce n’est pas donné, mais c’est un vrai investissement à long terme.»
Un marché du travail en pleine explosion et qui se féminise Séries, blockbusters, publicités, clips, spectacles vivants ou parcs d’attractions : les opportunités se multiplient. «Le plus gros employeur, ce sont les parcs de loisirs, reconnaît Lucas Dollfus. Mais avec l’explosion du streaming, il y a de plus en plus de demandes pour le cinéma et les séries.»
La rémunération varie : environ 650 euros brut la journée pour un tournage de film, 475 euros pour une journée de répétition, et entre 150 et 200 euros dans les parcs à thème. Une activité souvent irrégulière, mais qui offre des perspectives… à condition d’être bien formé, de savoir se vendre et d’être le profil recherché.
Autre tendance forte : la féminisation du secteur. En 2023, 37% des personnes formées au Campus Univers Cascades étaient des femmes, contre 20% l’année précédente. «C’est un vrai changement, souligne Lucas. Le regard sur les cascadeuses évolue. Les productions veulent des doublures féminines, les rôles sont plus variés, et les filles montrent qu’elles ont le niveau.» Malgré leur rôle central dans les productions modernes, les cascadeurs sont rarement mis en avant. Mais le vent tourne : l’Académie des Oscars a annoncé la création d’un prix dédié à la cascade, preuve que la profession commence enfin à être reconnue comme un maillon essentiel du cinéma.



















