
Braderies, seconde main, hard discount… depuis 2022, les Français emploient tous les moyens de consommation susceptibles d’alléger la pression de l’inflation. Les sondeurs, comme le patron d’Ipsos Jérôme Fourquet, ont même trouvé un nom à cette tendance: «l’économie de la débrouille». Mais, qu’il s’agisse de procéder à des dons ou de s’engager dans du troc, les Français utilisent désormais ces pratiques informelles en version 2.0. En témoigne le succès de la plateforme Geev: sept ans après son lancement, elle totalise désormais 28 millions d’annonces publiées, pour 5,5 millions d’inscrits. Et ce, sans avoir jamais fait de publicité.
«80% des dons se font localement de la main à la main», explique Hakim Baka, l’un des fondateurs.
Bureau, lit ou réfrigérateur, un étudiant peut ainsi se meubler gratuitement, à condition de ne pas récupérer plus de 5 objets par mois. Au-delà, une version payante à 40 euros l’année permet de retirer jusqu’à 30 objets, avec la possibilité de contacter certaines annonces en priorité. Si la plateforme ne cesse d’engranger de nouveaux utilisateurs, elle doit toutefois relever un nouveau défi. «Avant, nous avions un tiers d’utilisateurs qui récupéraient des objets, un tiers qui en donnaient, et un dernier tiers qui faisaient les deux. Mais, il y a dix-huit mois, la part de ceux qui ne font que récupérer est passée à 60%. La courbe de la demande s’accélère plus que celle de dons», indique Hakim Baka, qui devra donc convaincre tout le monde de donner, quels que soient ses moyens.
Partager les récoltes de son jardin
Bien sûr, ces pratiques sont avant tout locales. Venu des Etats-Unis en 2018, le réseau social de voisinage Nextdoor connaît ainsi son petit succès dans quelques quartiers de grandes villes. Fonctionnant surtout comme un service de petites annonces, il permet des recherches de plombier ou de nounou, mais propose aussi des dons d’objets ou des échanges de services entre voisins.
Ce dernier mode de relation constitue le cœur d’applications de plus en plus spécialisées : Pretersonjardin.com ou Savez-vous planter chez nous mettent par exemple en relation des propriétaires de potagers avec des utilisateurs prêts à aider, en échange d’un partage des récoltes. «Avec près de 2 millions d’utilisateurs par an, nous sommes sur un créneau de niche. Mais nous sommes présents partout en France, plus particulièrement à la périphérie des grandes villes», précise la fondatrice de Savez-vous planter chez nous, Chantal Perdigau. Elle observe une hausse du trafic depuis 2023.
«C’est clairement un système anticrise, pour cultiver directement ses propres légumes, mais aussi s’aérer l’esprit.»
L'échange de biens immobiliers, un troc légal
Le voyage n’est pas épargné par cette économie de la débrouille. Exemple avec l’échange de maisons de vacances, une pratique en plein essor, qui ne nécessite qu’une cotisation annuelle auprès d’un site spécialisé. Rien que depuis le début d’année en France, le leader HomeExchange a ainsi permis plus de 113000 permutations de résidences. Pour ne pas alourdir leur facture une fois sur place, les touristes peuvent aussi solliciter des bénévoles locaux, les «greeters», qui se font un plaisir de partir en balade guidée...
Enfin, une pratique encore marginale pourrait vite croître: l’échange définitif de biens immobiliers, que le site Béa Immo, par exemple, propose depuis janvier. Légal, ce troc nécessite certes de payer l’éventuelle différence de valeur entre les deux logements. Mais il permet de limiter les frais de notaire, et les impôts.
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