
«Une rentrée sans précédent.» C’est ainsi qu’est décrite la reprise des cours dans les écoles, collèges et lycées privés sous contrat français en ce mois de septembre 2024 par Véronique Cotrelle, la présidente du Snec-CFTC. Le syndicat représentatif à hauteur de 30% dans l’enseignement privé a profité de sa conférence de presse de rentrée, ce mercredi 11 septembre, pour alerter sur cette rentrée 2024 «low cost», «sans pilote, sans aucune visibilité, sans cap», estime sa dirigeante. Si Véronique Cotrelle se félicite qu’un nouveau Premier ministre ait enfin été nommé, elle espère que tous les chantiers en cours seront relancés, «notamment en matière de revalorisation et d’attractivité du métier», a-t-elle déclaré lors de la conférence de presse.
Car si ce métier peine de plus en plus à recruter, c’est quasi exclusivement en raison de la dégradation des conditions de travail des enseignants. Et notamment de leur situation salariale. «En 1980, un enseignant en début de carrière percevait 2,3 fois le Smic. Aujourd’hui, il gagne à peine 1,5 fois le Smic», illustre Véronique Cotrelle. Une tendance qui concerne également les milieux et fins de carrière. A ce rythme, «la “désmicardisation” de la France, qui est si chère à l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, va bientôt devoir s’appliquer à l’enseignement également», a alerté Cyril Chabanier, le président de la Confédération française des travailleurs chrétiens, également présent à cette conférence de presse. Le Snec-CFTC réclame donc une revalorisation de 20% des enseignants du privé, pour réellement augmenter leur rémunération et ne pas se contenter de compenser l’impact de l’inflation sur leur pouvoir d’achat.
La promesse d’un salaire à 2 000 euros net par mois minimum non tenue
Pourtant, avec les revalorisations actées pour la rentrée 2023, plus aucun professeur titulaire n’est censé être rémunéré moins de 2 000 euros net par mois, comme l’avait promis le gouvernement de l’époque. Mais en réalité, «les enseignants qui débutent dans nos établissements ne gagnent jamais 2 000 euros net, sauf cas exceptionnels», signale Philippe Groussard, secrétaire général du Snec-CFTC. Même si les enseignants travaillant dans les écoles, collèges et lycées privés sous contrat ont le statut d’agent public, le système de prélèvement salarial n’y est pas le même que celui en place dans les établissements publics et ils sont donc moins bien payés. En raison de charges plus lourdes, les profs du privé gagnent, en net, «7 à 10%» de moins chaque mois que leurs collègues des établissements publics, «alors qu’ils font le même travail, qu’ils enseignent le même programme et qu’ils passent le même concours», déplore Philippe Groussard, selon qui il y a un réel «système à deux vitesses en matière de rémunération».
De manière plus générale, d’ailleurs, Cyril Chabanier estime que la situation des enseignants est «encore pire dans le privé que dans le public, même s’il ne faut surtout pas mettre en concurrence les deux enseignements». Et même si 1 enfant sur 5 est scolarisé dans un établissement privé sous contrat, «personne ne parle des conditions de travail dégradées de ces enseignants et beaucoup ont l’air de s’en moquer», poursuit-il. Preuve que les enseignants du privé sont ignorés voire dénigrés, selon le Snec-CFTC : «il y a un vrai manque de considération des organisations syndicales du privé. Nous ne sommes jamais reçues par le ministère en même temps que celles de l’enseignement public mais bien plus tard», regrette Véronique Cotrelle. «Il ne s’agit donc plus de réunions de négociation mais seulement d’information pour les organisations syndicales du privé», pointe Cyril Chabanier.
Alerte sur la précarité des enseignants suppléants dans les établissements privés
Autre grand problème sur lequel le Snec-CFTC tient à alerter : la situation précaire des enseignants remplaçants (aussi appelés «suppléants», «maîtres délégués» ou «maîtres auxiliaires»), embauchés en CDD ou en CDI et de plus en plus nombreux dans les établissements privés sous contrat (19% en 2023-2024). «On est aux portes de l’ubérisation de l’enseignement privé», avertit Véronique Cotrelle, alors que «la situation des maîtres délégués se dégrade à vitesse grand V». A la fin de ce mois de septembre, en effet, ces enseignants risquent, comme chaque année, de ne pas être payés. Pour certains, «la paie risque même de ne pas arriver avant la fin novembre», anticipe la présidente du Snec-CFTC. Ces retards de paiement à la rentrée existent «depuis 40 ans» mais rien ne bouge, selon Philippe Groussard. «C’est inadmissible. Quand vous avez des charges familiales et que vous devez payer des loyers, comment faire ?», renchérit Véronique Cotrelle, qui appelle à mettre en place un «véritable plan de déprécarisation» pour ces enseignants suppléants.
Et il n’y a pas que la situation des personnels enseignants des établissements privés sous contrat qui inquiète l’organisation syndicale. Car contrairement au public, les 80 000 personnels non enseignants du privé (personnels administratifs, de nettoyage, de restauration…) ne sont pas rémunérés par l’Etat mais par les associations de gestion des établissements, qui ont moins de moyens financiers. «C’est pourquoi leur situation est beaucoup plus précaire tant au niveau salarial que des conditions de travail», avance Davy-Emmanuel Durand, vice-président du Snec-CFTC. Selon ce dernier, leur rémunération serait 36% inférieure à la moyenne nationale. Et d’ajouter que ces professionnels, qui ont le statut de salariés, sont les «grands oubliés du système éducatif».
Si les syndicats FSU-SNUipp, CGT éducation et Sud éducation ont appelé les enseignants des écoles primaires et maternelles à faire grève dès ce mardi 10 septembre pour contester la généralisation des évaluations dans les classes allant du CP au CM2 mais aussi pour dénoncer leurs conditions de travail, le Snec-CFTC n’envisage pas encore de recourir à un tel mode d’action. «A la CFTC, nous ne sommes pas dans la culture de la grève préventive. Nous allons remonter toutes nos craintes au futur ministre et nous lui laisserons le bénéfice du doute. Mais si rien ne bouge et qu’on continue d’être traité comme nous le sommes depuis un certain temps, le mouvement de grève pourrait être à un moment envisageable», prévient Cyril Chabannier. Le ton est donné.



















