
Il ne sera pas dit que l’Etat est en retard sur l’IA ! D’ores et déjà, via un appel à manifestation d’intérêt lancé en avril dernier, plus de 100 solutions matinées d’intelligence artificielle ont été sélectionnées par les pouvoirs publics, et achetées «sur étagère», pour aller plus vite dans leur adoption. Elles sont toutes destinées à simplifier la tâche des fonctionnaires, et devraient donc aussi rapidement bénéficier à tous les administrés. C’est ainsi que le spécialiste Maarch, du groupe Xelians, va fournir aux administrations son outil de gestion de correspondances, capable de trier automatiquement les courriers reçus, de détecter leurs urgences, de résumer les demandes, et de préparer les réponses.
Un logiciel qui apprendra en permanence de ses erreurs. Chacun d’entre nous peut donc s’attendre à plus d’efficacité de la part de l’administration… Mais, comme vous le découvrirez ici, ce sont des pans entiers de notre quotidien que l’IA s’apprête à bouleverser, de la façon d’apprendre à celle de conduire, en passant par celle de faire ses courses alimentaires. Tour d’horizon.
Droit : déjà un assistant juridique qui a réponse à tout
Un conseiller juridique disponible 24 heures sur 24 pour répondre à vos questions, le plus souvent incollable et aux réponses quasi instantanées. Rendu possible par l’IA, ce petit exploit technologique est d’ores et déjà opérationnel, et accessible depuis cet été sur le site legisto.fr. «A ce jour, l’outil couvre 98% des domaines du droit», assure l’avocat spécialisé en fusions-acquisitions Thierry Cotty, patron du cabinet CVML, à l’origine de cet assistant virtuel. Tapage nocturne, divorce à l’amiable, rapports locatifs, conflit prudhommal ou même conseils pour les formalités de création d’entreprise : on peut en effet tout lui demander.
Et l’outil est capable de rentrer dans les détails, en indiquant par exemple les indemnités qu’il sera possible de percevoir, en fonction des jurisprudences précédemment établies en la matière. Ou en rédigeant à votre place les courriers à envoyer, pour faire respecter vos droits. «A ce jour, cet outil est le seul à être conversationnel (il faut l’interroger via le micro de son ordinateur, NDLR). S’il s’adresse aussi aux avocats, qui pourront dégager du temps pour d’autres tâches, son objectif est de donner de plus en plus d’autonomie aux justiciables», explique Thierry Cotty, qui garde toutefois le secret sur les bases de données utilisées pour nourrir son IA.
Seule contrainte imposée par cet assistant : il limite ses consultations à des sessions d’un quart d’heure. Mais comme il est (pour l’instant) entièrement gratuit, rien n’empêche de le relancer, pour lui poser une nouvelle salve de questions. Sachant que solliciter un avocat coûte en moyenne de 100 à 300 euros de l’heure, pourquoi s’en priver ?
Automobile : l’IA devient un compagnon de route
Depuis 2024, le groupe Stellantis intègre ChatGPT dans les voitures de plusieurs de ses marques, dont Citroën, DS et Peugeot. Auparavant, les assistants vocaux embarqués étaient limités à des tâches rudimentaires, comme régler la climatisation ou demander un itinéraire. Mais avec l’outil d’OpenAI, le conducteur peut aller plus loin, et papoter avec son véhicule sur des sujets bien plus variés, sans lâcher son volant. «Presque la moitié des questions posées concernent le tourisme. Cela peut changer vos vacances quand vous passez devant un village, en demandant ce qu'il y a à visiter», présente Philippe Houy, responsable innovation et connectivité chez DS. Dans les embouteillages, on peut aussi lui demander de raconter une histoire ou d’élaborer un quizz de culture générale, tant que la voiture ne traverse pas une zone blanche. «Toutes les données sont anonymisées. Chez DS Automobiles, nous ne récupérons pas d'informations relatives aux utilisateurs», insiste Philippe Houy.
Seul bémol : comme il s’agit ici de la version 3.5 de ChatGPT, les informations remontent au plus tard à janvier 2022. Mais DS travaille sur des améliorations pour pouvoir aborder des sujets d’actualité. Ce qui permettrait de demander à sa voiture des résultats sportifs ou un flash d’info. Ce service est inclus pendant trois ans après l’achat d’un véhicule DS (120 euros par an ensuite, dans un pack de différentes services connectés). Pour les véhicules commandés avant juillet 2023, il est proposé à 15 euros par an.

Grande distribution : les logiciels vont s’occuper de la gestion des rayons
Dans le nouveau Spar de Luynes (13), début juillet, les clients ont découvert avec surprise un rayon entier de boîtes de beans et pots de lemon curd. Pas très provençal, sans doute, mais parfaitement logique en réalité. Une IA, utilisée par Casino pour aider ses franchisés à constituer leurs stocks, avait identifié la présence d’une forte communauté anglaise liée à l’IBS of Provence, une école bilingue installée sur la commune, et a adapté l’assortiment en conséquence. Au-delà de ce cas original, la grande distribution entrevoit une révolution majeure pour la gestion des approvisionnements, avec de belles économies à la clé, et le rêve de parvenir à éradiquer le gaspillage alimentaire.
Via une application qu'elle a développée, la société Ida utilise l'intelligence artificielle pour optimiser le rayon fruits et légumes des acteurs de la grande distribution, limitant le gâchis et repérant les cageots un peu moins frais. La start-up Smartway va un cran plus loin et teste déjà, avec des magasins Leclerc, Auchan ou Carrefour, des agents d'IA capables de croiser les informations sur l'état des stocks et les données sur les habitudes d'achat des clients.
Tout n'est pas encore abouti, mais à terme, un tel outil pourrait, via des caméras braquées sur les rayons, repérer des yaourts approchant de leur date limite, agir sur leur étiquette électronique pour baisser leur prix de vente, voire envoyer une notification aux consommateurs habituels de cette référence pour les informer de la bonne affaire. Sans qu'aucun chef de rayon n'intervienne, l'agent virtuel aurait même passé commande d'un réassort, optimisé à partir des prévisions météo de la semaine.
Education : les professeurs particuliers n’ont qu’à bien se tenir
Dans l'apprentissage, l'IA dispose d'une carte maîtresse : le pouvoir de s'adapter à chaque élève et de proposer des cours et un suivi individualisé à chacun. Même l'Education nationale s'y met ! L'assistant virtuel Mathia de la jeune entreprise Prof en poche a par exemple remporté un marché public pour accompagner les élèves du primaire, notamment en maths, via un robot conversationnel intelligent. Voyant plus loin, l'entreprise ukrainienne Preply mise sur l'intelligence artificielle pour personnaliser davantage encore les services de tutorat qu'elle propose. Son ambition est d'offrir un suivi aussi individualisé qu’avec un professeur particulier, mais à l’échelle de millions d’élèves.
Mais c'est dans l'apprentissage des langues que la technologie saute des classes, avec de plus en plus d'assistants virtuels d'apprentissage et de conversation, rodés aux accents et à la prononciation. En France, un outil comme Aimigo (ex-Gymglish) a lancé un coach de conversation avec lequel il est possible de discuter pour perfectionner son anglais ou son espagnol, tandis qu'une application comme Mondly intègre reconnaissance vocale et réalité virtuelle pour perfectionner la prononciation de ses abonnés. Des avancées rapides et majeures qui interrogent sur la nécessité même d'apprendre… Car si les outils conversationnels finissent par traduire toutes les langues en direct, à quoi bon continuer à souffrir des heures en cours ?
«Avec ChatGPT, je prépare mon prochain marathon»

Pierre Weinberg, 49 ans, cadre dans le secteur financier
Pour mes deux derniers marathons, courus à Metz et au Luxembourg, et malgré mes séances de préparation, je me suis pris «le mur» des 30 kilomètres, cette phase où le corps ne suit plus, et où le rythme de course s’effondre. Pour mon prochain marathon, prévu à Metz mi-octobre, j’ai donc décidé de me préparer avec l’aide de ChatGPT, en lui donnant pour objectif d’éviter ce mur, et de passer sous les 3h45 de temps. Je lui ai communiqué mon âge, mon poids, mes précédents chronos en marathon et semi-marathon.
Et je suis surpris par la pertinence de ses conseils. ChatGPT m’a par exemple rappelé que l’épreuve du Luxembourg, au dénivelé élevé, n’était pas la plus conseillée, et que celle de Metz était plus roulante. Il connaît aussi les principales phases d’une préparation, qui s’étend en général sur 12 semaines, comme celle consistant à prévoir une grosse sortie, ou celle d’affûtage, à la fin, avec un régime alimentaire à adopter. ChatGPT peut aussi rentrer dans les détails d’une session d’entraînement, et en faire le bilan, en intégrant mes données de pulsations cardiaques et d’allures, enregistrées par les applications de Strava ou de Garmin. Certes, il lui arrive de s’emmêler les pinceaux sur les jours d’entraînement. Mais il reste toujours bienveillant, par exemple quand j’ai dû écourter une séance ! Et il sait poser des limites : s’il m’a conseillé de perdre quelques kilos pour atteindre mon objectif, il m’a en revanche dissuadé de viser des temps inférieurs à 3 heures, qu’il considère comme hors de ma portée, du fait notamment de mon gabarit.
- Accès à tous les articles réservés aux abonnés, sur le site et l'appli
- Le magazine en version numérique
- Navigation sans publicité
- Sans engagement


















